10/10 pour les vins du prof

Précis et droits, les vins de Yannick Fournier reflètent un travail appliqué et méticuleux. Si bien qu’il est aisé d’oublier que le Valaisan passe plus de temps à l’école qu’à la vigne et à la cave. La gamme de l’enseignant: une pépite à découvrir.

Yannick Fournier nous attend devant chez lui, pour s'assurer qu’on ne se perde pas. Nous reconnaissons alors directement un trait de caractère un peu protecteur de celui qui s’épanouit dans son métier d’enseignant. Engagé en 1998 par la haute école de Changins, il y reste pendant une vingtaine d’années , durant lesquelles il a côtoyé un grand nombre de celles et ceux qui font le vignoble suisse d’aujourd’hui. «Je me souviens d’un prof méticuleux, qui ne laissait rien au hasard», raconte Samuel Panchard, oenologue à la Maison Gillard, à Sion. «Il a une grande sensibilité. Très humain, il a toujours un sourire au coin de la bouche. Il gagne à être connu.» Son départ de Changins lui laisse du temps pour un poste d’enseignant et responsable de la filière viticulture et caviste à l’école d’agriculture du Valais de Châteauneuf, ainsi que pour prendre soin de son vignoble de 1,6 hectare. «Professionnellement, je dirais que mes priorités restent mes vignes et l’enseignement. Le travail en cave vient après. Pour la vente, c’est autre chose…» confie cet homme doux et un brin timide, qui confesse volontiers qu’il «aime enseigner, mais pas trop discuter». Il vend sa production en grande majorité à des privés qui participent régulièrement à ses portes ouvertes de Noël et de l’Ascension, ainsi qu’à quelques restaurateurs de son réseau. Parti des 3000 m2 de sa maman (hérités de son grand-père), Yannick Fournier a agrandi son vignoble petit à petit, tout en restant dans les limites de la commune d’Ardon. Son activité de vigneron-encaveur l’aide à se sentir proche de ses étudiants. «Même sur une surface restreinte, je concentre quand même 14 cépages différents. Je dis aux élèves que j’ai les mêmes ennuis qu’eux.» Et de partager une anecdote édifiante: «En 2014, mon Pinot Noir a été attaqué pour la première fois par la drosophile suzukii. Toute la récolte a dû être minutieusement triée. Nous sommes passés d’un rendement horaire de 100 kg à seulement 34 kg… Le résultat: une médaille d’or au Mondial des Pinots. Je ne raconte pas ça pour me vanter de ce trophée, mais pour illustrer l’importance du tri à la vendange.» Yannick Fournier distille de nombreux autres bons conseils à ses étudiants: «Je leur martèle la nécessité d’observer et de déguster les baies. Avec peu de coûts, on sait tout.» Lui qui travaille à la vigne et à la cave avec peu de technologie connaît effectivement les ficelles. «Depuis 2015, je traite uniquement contre l’oïdium et le mildiou.» La certification biologique reste par contre impossible. «Avec l’enseignement, je ne peux pas intervenir quand je veux à la vigne.» En pleine dégustation, cette phrase rappelle tout à coup que le professeur-vigneron n’a en fait que peu de temps pour produire ces vins précis et droits. De quoi les apprécier encore plus.