Favre T’Chippis (VS)

À Sierre, v’la d’la nouveauté

Texte: Anick Goumaz, Photo: samueldevantery.com

Les parcelles devant, le cépage après: Romain Favre tient à cette philosophie depuis le lancement de sa jeune cave, en 2020. Ses étiquettes font sourire, mais si le sérieux ne figure peut-être pas sur la bouteille, on le retrouve à coup sûr dans le verre.

Ses étiquettes interpellent, ses vins ensorcellent: une dégustation chez Romain Favre, dans le jardin familial et sous le célèbre soleil sierrois, invite à la poésie. Prendre le temps, cueillir une figue en passant… comme à la maison. S’il sait ralentir, on n’ose pas imaginer le rythme habituel de ses journées. Surtout depuis qu’il a repris le rôle d’œnologue de l’association Vinea à 50%. «Grâce à ce poste, je découvre un autre aspect de la vigne et du vin. Ça représente beaucoup de contacts et d’échanges. J’apprécie, parce qu’à la vigne je vois moins de monde, parfois je parle à mes ceps pour briser le silence.» Est-ce que ça veut dire qu’il préfère le travail à la cave? «Bonne question… Le travail à la vigne, on sait pourquoi on le fait. Les ceps nous le rendent bien. Avec un beau raisin, je prends du plaisir à la cave.» Sa passion du métier, il l’a héritée de son papa, Christian. Au gré des achats, le patriarche a constitué un domaine de sept hectares, mais a toujours vendu son raisin. Son commerce agricole ne lui laissant pas le temps de développer une activité d’encaveur.

Après un court passage en école de commerce (ce n’était finalement pas son truc), Romain part étudier à Changins. «Ce travail de la terre fait beaucoup de sens pour moi. Changins, c’était comme une évidence. Des bases solides, à la vigne, comme à la cave.» Il débute par une petite barrique en 2017, enregistre sa cave en 2020 et double chaque année sa production. En 2023, il a vinifié sept cépages, sept cuvées parcellaires, pour 4500 bouteilles. Parmi lesquelles la Rèze. «Cette variété indigène commence à être à la mode. Mon papa l’a plantée il y a 15 ans.» Ira-t-il jusqu’à 9000 flacons du millésime 2024? «C’est l’idée! Je n’ai jamais eu l’impression de travailler deux fois plus. J’y vais à mon rythme, suivant un cercle vertueux.» Qu’importe la quantité, l’état d’esprit perdurera, avec l’accent mis sur les parcelles. St-Ginier pour le Fendant, Anchettes pour la Rèze, Rayes pour la Petite Arvine… La mention du cépage se fait discrète, sur le côté.

Et quid de ce nom, «Favre T’Chippis»? «C’est un peu mon surnom. Je pensais que ça resterait du provisoire, avant un nom plus sérieux, mais les gens aiment bien.» Pour l’illustration, Romain a pris les pinceaux, une première! En un trait, il a représenté le Rhône, avec quelques coups de stylo pour y ajouter le pont de Chippis.

Des atours authentiques, pour des vins qui le sont tout autant. Avec une belle technique tout de même, amenée par cet esprit innovant – cuve en polymère de plastique pour laisser respirer la Petite Arvine, hyperoxydation du moût de Païen. Des idées plein la tête, il ne s’arrêtera pas là. Avec le désir notamment de proposer trois cuvées parcellaires de Syrah, un clin d’œil à son expérience professionnelle chez Jaboulet.

Nos coups de coeur

Tzararogne 2023

Au sein d’un clos au milieu d’une forêt sur la rive gauche, trois clones de Païen cohabitent. Après avoir soumis les moûts à une hyperoxydation pour les stabiliser, Romain vinifie chaque clone séparément en barriques et les assemble à l’envi. Le résultat présente une remarquable complexité, un jus épicé, vif, anisé, concentré, avec une finale presque saline. Il reste très longtemps en bouche sur des notes de citron vert.

Prix: 26 francs

Grand Rayes 2023

Les rosés parcellaires tels que ce Grand Rayes restent malheureusement trop rares en Suisse. Il est issu de vieilles vignes de Pinot Noir plantées à 750 m entre Veyras et Venthône, sur des sols argileux, parfaits pour garder de l’acidité. On retrouve dans ce rosé de gastronomie l’inspiration de Romain puisée à Tavel. Complexe, il évoque tout un panier de petits fruits acidulés et de coing, avec des notes vanillées.

Prix: 19 francs

Chivirau 2023

Ce Gamay s’épanouit à Miège, sur le site d’un éboulement qui a formé un sol très calcaire. Il le travaille en infusion, avec un pigeage très doux et sans surextraction, dans le but d’obtenir un rouge digeste. Le nez a pourtant du caractère, avec cette touche fumée typique, des fruits noirs en coulis et des pignons torréfiés. Attaque fruitée sur le jus de cerise et de myrtille. Finale épicée.

Prix: 18 francs

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