Deuxième vie à la vigne

Maryline Taurian a surpris son monde en abandonnant une carrière dans les sciences politiques pour reprendre le domaine familial. La trentenaire mène la barque à son image. Elle vinifie des produits francs et droits qui savent s’affirmer, sans en faire trop.

Elle parle de son grand-père, Fausto, avec beaucoup de tendresse, mais Maryline Taurian se demande si sa grand-mère aurait aimé, elle aussi, prendre les rênes du domaine. Ses aïeux se sont rencontrés dans l’exploitation familiale où Fausto travaillait, fraîchement arrivé d’Italie. Il reprend les affaires, se spécialise dans la vigne et l’agriculture, puis passe le flambeau à leur fils, René. Ce dernier lance la vente directe. Représentante de la quatrième génération, Maryline choisit d’abord une formation universitaire et une carrière dans les sciences politiques, plus précisément la coopération au développement. Voyant la retraite de son papa approcher, elle bifurque et reprend le domaine, à la surprise générale. «C’était un sacré challenge, mais j’en étais consciente», se souvient-elle. Une manière de rendre hommage à sa grand-mère? «Je dirais plutôt un clin d’œil. Mes grands-parents n'ont pas tout de suite compris mon choix. Pas forcément parce que je suis une femme, mais parce qu’ils étaient si fiers de mon parcours. Ma décision leur paraissait totalement saugrenue!» En 2019, à 33 ans, elle décroche son CFC de viticultrice. La même année, le domaine obtient son label bio. «Papa était preneur. Il a toujours pratiqué une vinification respectueuse du produit.» Aujourd’hui, elle exploite 5,5 ha. Une surface répartie entre les communes de Mont-sur-Rolle, Féchy et surtout Perroy, là où la trentenaire vit et vinifie. «Perroy est une magnifique appellation, avec de jolis terroirs et de super vignerons. » Tout comme le terroir de Féchy, mis sur le devant de la scène par sa nouvelle création: le Chasselas parcellaire En Bayel. «Il s’agit d’un coteau totalement enherbé, situé à l’entrée de Féchy. Les vignes ont plus de 35 ans.» En Bayel représente une nouvelle variation du Chasselas, que Maryline décline aussi en vin orange, nature et «Pét Nat». «Je n’avais pas ficelé cette stratégie dès le départ, mais il était évident que j’allais m’amuser avec le Chasselas. Ma philosophie c’est que toutes les cuvées ne peuvent pas toujours être vinifiées sans intrants. Je comprends que le vin nature perturbe et questionne, il faut parfois réapprendre à goûter le vin. En tout cas, beaucoup de mes clients sont curieux et preneurs de nouveauté.» Son quatrième millésime en solo, elle l’appréhende avec plus de sérénité: «Tout est plus fluide qu’au début. J’ai beaucoup appris et j'entre dans la phase où les choses se posent. Même si j'aimerais toujours faire plus et je ne suis jamais contente. Il faut prendre le temps. J'envie un peu mon compagnon, qui, en tant que boulanger, peut faire plusieurs tests chaque jour. Pour moi, la fermentation n’a lieu qu’une fois par année. Vigneron, c’est le métier d’une vie. Ça s’apprend tranquillement.»