L’humilité d’un géant

Domaine des Rothis, Dardagny (GE)

Texte et photo: Anick Goumaz

Ils gèrent une vaste surface viticole de 70 ha, mais c’est bien une affaire familiale que les frères James et Steve Röthlisberger ont reprise en 2018. Plus à l’aise autour d’une cuve que sur le devant de la scène, ils nous ont réservé quelques surprises.

«Le terroir genevois est très varié et cela se reflète dans nos parcelles, on y retrouve aussi bien du calcaire du Jura, que de l’argile ou encore du sable sur les rives du Rhône», explique Steve Röthlisberger dans sa cave de Dardagny. Son frère James et son équipe – ils sont en tout dix employés – cultivent ainsi huit Chasselas qui présentent chacun leurs particularités, mais qui sont vinifiés ensemble. «On ne laisse plus aucun de nos vins blancs, ni les rosés d’ailleurs, faire leur fermentation malolactique.» Le résultat: des nectars aromatiques, vifs et fruités. Qu’en pense le papa, Jean-Pierre, grand amateur de Chasselas plus traditionnels? «Il l’adore.» Les goûts et les avis du patriarche reviennent souvent dans la discussion. Celui qui a fondé le domaine en 1985 a cédé sa place à l’âge de 65 ans pour des raisons de santé. «J’admire ce qu’ils ont réussi à faire à deux, avec ma maman.» Aujourd’hui, James s’occupe surtout des tâches opérationnelles. Il travaille dans l’affaire familiale depuis ses 14 ans. Quant à Steve, il se charge du positionnement stratégique et «prend les décisions en dictateur total.» Et, ce n’est pas rien, puisqu’il gère en fait deux sociétés: le Domaine des Rothis et la Cave des Rothis. Cette dernière vend une partie de la récolte du domaine ainsi que des raisins d’autres vignerons à des négociants en vins. L’élaboration de leurs propres crus reste l’activité principale avec une part d’environ 70% du chiffre d’affaires total. Même si, comme dans toutes les régions viticoles, les deux dernières années se sont montrées compliquées. «Cet été, nos vignes ont souffert, car nous ne sommes pas équipés pour l’arrosage. Tout le monde a parlé de la sécheresse, mais presque personne n’a évoqué les coups de soleil! Ils peuvent engendrer jusqu’à 25% de perte, notamment sur nos Gamay, qu’on a pris l’habitude d’effeuiller.» Cette variété, volontiers associée au canton de Genève, a fait de la place il y a huit ans à une originalité venue de très loin: le Pinotage. Un exotisme qui tenait à cœur à Jean-Pierre Röthlisberger, en souvenir de ses expériences professionnelles en Afrique du Sud. Ce croisement de Pinot Noir et de Cinsault n’est pas trop dépaysé, puisqu’il s’est retrouvé en cave avec des levures sélectionnées, elles aussi sud-africaines. «Elles ont de bonnes capacités à froid, ce qui est capital pour nous qui maintenons des températures de vinification assez basses. Cela nous garantit une belle conservation aromatique et des fermentations longues.» Le Pinotage de la Cuvée Regulus n’est pas la seule nouveauté, puisqu’un triptyque au thème cosmique – inspiré de la lune et des étoiles présentes sur les armoiries de la famille – a intégré la liste des vins cette année.


Nos coups de cœur

Chasselas 2021

L’expression des terroirs variés du domaine, ainsi que la vinification moderne sans fermentation malolactique donnent un Chasselas complexe et aromatique. Son nez rappelle les fleurs blanches, la pomme, avec une étonnante touche de citron vert. Il est porté en bouche par une trame acide vivifiante. Cette fraicheur nous accompagne jusqu’à une finale longue sur les fleurs de sureau.

Prix: 10 francs

 

Cuvée Sirona 2021

Le premier né du nouveau triptyque de la cave a été voulu dans un style de rosé de Provence, à la robe pâle. Des parfums de confiture de raisinet et de framboise donnent tout de suite envie de plonger les lèvres dans cette cuvée au nom de divinité celte. Des accents de petits fruits rouges explosent en milieu de bouche, alliés à des notes de sirop grenadine et une pointe un peu vanillée et pâtissière, telle une tarte au citron.

Prix: 13 francs

 

Cuvée Regulus 2020

Coup de cœur total pour ce vin qui n’est rien de moins qu’un Pinotage, soit un croisement de Pinot Noir et de Cinsault typiquement sud-africain. Le nez exhale des nobles notes de lierre, de pivoine, de cassis et même de réglisse. En bouche, on a l’impression de croquer dans une griotte enrobée de chocolat! Magnifique structure emmenée par une acidité bien intégrée et des tanins délicatement présents.

Prix: 25 francs

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