Tradition et innovation 

Corvina, Corvinone, Rondinella et plus encore: l’assemblage des cépages rouges de la Valpolicella est à la base de toute une série de vins, chacun avec son propre caractère. À la Tenuta Santa Maria de la famille Bertani, ils sont interprétés de manière traditionnelle mais toujours avec une touche d’innovation.

Dans la région de la Valpolicella, la vallée aux nombreuses caves, la viticulture est une tradition qui remonte à plus de 2000 ans. À l’époque romaine, on y produisait déjà le Retico, l’ancêtre de l’actuel Recioto della Valpolicella, un vin doux issu de la cuvée de raisins de la Valpolicella avec les cépages autochtones Corvina, Corvinone ou Rondinella. «Chacun de ces cépages donne au vin un aspect particulier: le Corvina et le Corvinone assurent le caractère, la Rondinella la fraîcheur aromatique», explique Guglielmo Bertani.

Avec son frère Giovanni Bertani, Guglielmo dirige le domaine viticole Tenuta Santa Maria di Gaetano Bertani à Arbizzano di Negrar, dans la zone de la Valpolicella classico, au nord de Vérone. Gaetano Bertani, qui a donné son nom au domaine, était le père de Guglielmo et de Giovanni, mais surtout un pionnier des méthodes de viticulture modernes et un esprit créatif maintes fois récompensé qui misait déjà, il y a plus de 30 ans, sur les cépages internationaux Chardonnay et Merlot en Vénétie. Il a travaillé ces deux cépages dans le domaine familial de Colognola ai Colli, à l’est de Vérone, dans la région de Soave DOC. C’est là qu’il a commencé à produire le Decima Laurea, un Merlot monocépage, et le Torre Pievi, un élégant Chardonnay élevé sous bois, sans oublier le Soave DOC Lepiga, issu du cépage Garganega.

«Nous créons des vins à l’élégance intemporelle qui reflètent notre terroir.»

La famille Bertani est bien sûr aussi profondément ancrée dans la région de la Valpolicella: c’est ici, dans les collines de Negrar, que commença jadis l’histoire de la famille Bertani et de l’actuel Valpolicella. Dès le milieu du XIXe siècle, la famille Bertani a misé sur la cuvée de raisins classique de la Valpolicella et a notamment produit le Recioto, un vin qui tire son caractère du séchage des raisins pendant plusieurs mois. Dans la région de la Valpolicella, on a recours à des fruttai, à savoir des séchoirs bien aérés. Ce n’est que plus tard, en décembre ou janvier, que les raisins sont pressés et vinifiés. Autrefois, la fermentation s’arrêtait à cause de la teneur en sucre et des basses températures de l’hiver. Le Recioto était donc un vin doux avec du sucre résiduel consommé pour les grandes fêtes et combinant le fruit typique de la cerise avec des épices et de la douceur.

Le roi de la région de la Valpolicella, le noble Amarone, n’est apparu que plus tard, dans les années 1930 à 1950, lorsque l’on a veillé à achever la fermentation du Recioto, ce qui a donné un vin sec et âpre (amaro). Cela a d’ailleurs eu lieu pour la première fois en 1936 dans les caves de la villa néoclassique Mosconi de la famille Bertani.

Les frères Guglielmo et Giovanni Bertani sont aujourd’hui encore les gardiens de cette tradition à la Villa Mosconi et vinifient toute la palette du Valpolicella sur leur domaine, la Tenuta Santa Maria, à Arbizzano di Negrar: du Valpolicella Classico fruité et frais à l’Amarone della Valpolicella Classico Riserva en passant par le Recioto della Valpolicella Classico ou encore le Valpolicella Ripasso.

Les raisins – Corvina, Corvinone, Rondinella et Oseleta – utilisés pour ces vins proviennent tous du vignoble historique de la famille, le Brolo dei Poeti du Tenuta Santa Maria, qui s’étend sur 14 hectares à côté du vaste parc de la villa. Sur plusieurs parcelles toutes délimitées par un mur de pierre semblables à un clos français, le raisin pousse à une altitude comprise entre 120 et 220 mètres, dans un microclimat unique marqué par la biodiversité du paysage de Negrar: les forêts alternent avec les vergers de cerisiers et les terres agricoles.

Au lieu d’une culture selon la technique de la pergola véronaise, utilisée historiquement pour offrir de l’ombre aux ceps de vignes, on a ici fait le choix d’une taille en Guyot. Il s’agit d’une technique traditionnelle; le Guyot était déjà la méthode de culture de la vigne utilisée il y a cent ans dans le Brolo dei Poeti.

Les raisins sont séchés dans des séchoirs bien aérés et la vinification et la maturation se déroulent dans les caves de la Villa Mosconi, datant du XVIIIe siècle et située juste à côté, conformément à la pratique de longue date de la famille Bertani. «Cela nous permet de raccourcir les trajets et de traiter les raisins avec un maximum de soin», explique Giovanni Bertani en faisant le tour de la cave et du fruttaio où sèchent déjà les premiers raisins du nouveau millésime. En effet, seuls les raisins parfaits sont sélectionnés à la mi-septembre pour l’Amarone et le Recioto, puis mis à sécher pendant environ trois mois sur des treillis de paille dite «Arelle» au premier étage des bâtiments historiques de la cave de la villa. «Les raisins sont contrôlés quotidiennement afin de garantir l’excellence de la qualité,» assure Giovanni Bertani.

Après le pressurage, la vinification et la fermentation, le vin est élevé dans de grands fûts de chêne de Slavonie. Le Valpolicella Classico et le Ripasso passent également par un séjour en grands fûts de bois.

Il en résulte des vins élégants et équilibrés, dans lesquels les arômes classiques et fruités de cerise sont harmonieusement mêlés à des épices avec une évolution polie au palais. «Ce sont aussi des vins de longue garde, déclare Giovanni Bertani, qui se marient très bien à la cuisine de la Valpolicella, surtout avec le gibier, mais au

L’expertise du consultant Luca Rettondini et de l’œnologue de la maison Stefano Gabrieli aide à concilier tradition et innovation. Guglielmo et Giovanni Bertani suivent ainsi également les traces de leur père Gaetano pour qui l’innovation dans la viticulture était indispensable.

Outre un projet de haute altitude dans la Valpantena qui permet notamment d’explorer des possibilités de s’adapter au changement climatique, Guglielmo et Giovanni s’efforcent également de préserver le riche patrimoine viticole de la Valpolicella: «Les cépages historiques constituent un aspect important de la biodiversité», explique Guglielmo Bertani. Parmi ces cépages, on trouve l’Oseleta qui est utilisé dans l’assemblage du Valpolicella à la Tenuta Santa Maria. Un nouveau projet s’appuie sur la méthode de fabrication traditionnelle du Recioto et de l’Amarone. La fermentation du moût – interrompue quand vient le froid de l’hiver – est relancée par les températures plus élevées et le sucre restant fermente tout en douceur et de façon naturelle. Ce processus est répété année après année, jusqu’à ce que la fermentation soit totalement terminée. «Cela pourrait donner naissance à une autre facette du Valpolicella à l’avenir», estime Guglielmo Bertani.