La fraîcheur en point de mire
Pierre-Elie Carron, Fully (VS)
Texte: Alexandre Truffer, Photo: m.à.d.
Des spécialités précises d’une belle typicité, des classiques pleins d’allant et de vivacité, des crus de style moderne vinifiés avec beaucoup de savoirfaire: Pierre-Elie Carron est la preuve que la valeur n’attend pas le nombre d’années.
Après ma dégustation des vins de Pierre-Elie Carron, dans son petit local attenant à la cave, je ne peux pas vous parler du Fendant Rodoz, né sur une parcelle haut perchée, ni de la Syrah Chambenay, élevée un an en barriques anciennes: tous deux ne sont plus disponibles. Je le regrette, car j’ai été séduit par la Syrah Combe des Clous, aussi juteuse qu’élégante et qui possède autant de personnalité que de typicité, par le Viognier Mazembroz, éclatant de fraîcheur, ou par le Pinot Noir Charrat, d’une finesse étonnante. «J’ai fait un stage dans les Grisons, chez Christian Hermann, car je voulais apprendre à vinifier des Pinot élégants, explique le jeune oenologue de 28 ans. Celui-ci m’a dit qu’il fallait récolter les baies lorsqu’elles atteignaient 92° Oechsle.
Bien qu’il soit planté sur la rive gauche, ce qui permet d’éviter les notes de surmaturité, mon Pinot Noir a atteint ce seuil alors qu’il affichait encore 11 grammes d’acidité par litre. J’ai préféré attendre trois jours avant de le ramasser: il avait gagné trois degrés et perdu presque trois grammes d’acidité.» En savourant ce rouge élégant, on se rend compte que ces hésitations sont la base sur laquelle ce discret producteur bâtira de grands vins. Issu d’une famille de Fully «qui a toujours travaillé la vigne sans jamais vinifier», Pierre-Elie Carron travaille aujourd’hui un peu plus de cinq hectares sur Fully, surtout, et Chamoson. Pendant ses études, il a côtoyé des petits producteurs – en Valais et dans les Grisons – et des exploitants plus importants comme la Cave Maurice Gay ou Mountain Riges Wine. «Cette entreprise sud-africaine se situe à une heure du Cap. Je voulais voir comment fonctionnait une grande cave. J’ai été servi, puisque lors de mon séjour, nous avons réceptionné de la vendange tous les jours pendant trois mois. Cela m’a conforté dans mon choix de devenir un artisan travaillant un petit domaine», confie celui qui ne vinifie que des monocépages «sans correction, ni coupage avec un autre cépage». «Je cherche à exprimer l’adéquation entre un cépage et une parcelle, c’est pourquoi tous les vins affichent sur l’étiquette le nom du lieu-dit où ils sont cultivés. En 2016, lorsque je suis sorti de Changins, j’ai vinifié une Petite Arvine et un Cornalin sur les vignes familiales de Pierra Platta. L’essai a été concluant et je produis aujourd’hui treize vins différents. Au début, j’avais décidé de me limiter à quatre rouges et quatre blancs, mais les vignes que j’ai pu acquérir ayant plus de diversité que prévu, il se révèle difficile de se restreindre», plaisante ce vigneronoenologue que les amateurs de l’arc lémanique pourront retrouver en novembre à Arvinis.
Pierre-Elie Carron
Vigneron-OEnologue
Route de Collombey 5a
1955 Saint-Pierre-de-Clages
Tél. +41 (0) 79 319 65 50
www.pec-vins.ch