Vigneron bio suisse 2017 Marco Casanova
Le magicien du lac de Walenstadt
Texte: Thomas Vaterlaus
Un rêve bio entre lac et parois rocheuses: dans les vignobles en terrasses du terroir de Seemühle mûrissent certains des grands vins de Marco Casanova.
Les plus spirituels pourraient parler d’un lieu de force. Les ouvriers italiens avaient baptisé cet région à l’extrême nord-est du lac de Walenstadt «Kaliforni» (de l’allemand «Kalkofen»), en souvenir des fours à chaux construits il y a un siècle. Les sols très calcaires se prêtent bien aux cépages de Bourgogne.Le Pinot Noir, tout comme le Chardonnay, comptent parmi les vins phares de Marco Casanova. Ils lui ont permis de décrocher les meilleures notes dans les catégories des cépages traditionnels blancs et rouges lors de cette édition du Concours Vin Bio Suisse organisé par VINUM et Bio Suisse.
«Lorsque je les contemple, les falaises des Churfirsten me font souvent penser au Machu Picchu au Pérou», déclare Eleni Meyer, la compagne de Marco Casanova qui, à côté des vignobles en terrasses dans les «Kaliforni» (qui s’appellent en fait officiellement Seemühle), a aménagé un espace en plein air à l’ambiance méditerranéenne. En fait, les broussailles vert tendre qui jaillissent des crevasses contrastent avec le bleu indigo du lac de Walenstadt et offrent une palette de couleurs presque irréelle. Des figuiers et des kiwis poussent entre les rangs de vignes à Walenstadt. Du thym, du romarin et de la menthe sauvages répandent un parfum de garrigue, non sans rappeler la Provence. «Les coteaux sud de Walenstadt font certainement partie des parcelles les plus chaudes de la région au nord des Alpes. Toutefois, les vents catabatiques froids des Churfirsten apportent une agréable fraîcheur en soirée», explique Marco Casanova. Son arrivée en 2014 a définitivement hissé Walenstadt au rang de nouveau point chaud du bio. Avec la cave Bosshart+Grimm, cette région accueille un deuxième incontournable de la scène viticole bio de Suisse. Même le petit troisième, la Weingut Cal vinza de Jürg Steinmann, qui met en bouteille sa production au domaine, est certifiée bio.
Une histoire de bouteilles
Marco Casanova est arrivé au vin par des chemins détournés. Ce mécanicien sur machine et informaticien s’occupait encore au début des années 1990 des automates de restitution des bouteilles consignées. Son supérieur, véritable inconditionnel du vin, lui offrait de temps à autre une bouteille. Il fit ainsi la découverte de crus, comme le Chardonnay Löwengang d’Alois Lageder, qui finirent par l’inciter à passer des bouteilles vides aux bouteilles pleines. Il a fait ses classes de vigneron à la Weingut zum Sternen à Würenlingen, puis a travaillé pendant cinq ans à la Weingut Mas du Soleilla de Peter Wildbolz.
Aux côtés de Thomas Mattmann, il dirigea ensuite avec brio la Weingut Cicero à Zizers. Suite au suicide tragique de son associé, il reprit, pendant deux ans, seul les rênes du domaine. C’est aussi un drame qui l’amena à Walenstadt. Daniel Eberle, l’ancien propriétaire du domaine, a été victime d’un accident dans les vignes en 2012.
Marco Casanova exploite les vignobles du domaine depuis 2014. Après avoir repris la direction de l’exploitation en 2015, il s’est immédiatement attelé à la convertir à la culture biodynamique pour obtenir le label Demeter. Il a ainsi eu le loisir de débuter cette reconversion avec l’excellent millésime 2015. Son Sauvignon Blanc Seemühle, élevé en partie dans d’anciennes barriques, dévoile malgré la fermentation spontanée qu’il subit, des arômes francs de groseilles à maquereau ainsi que de fleurs de sureau et rafraîchit le palais avec son style franc et croquant. Le Chardonnay Seemühle tire de son côté son inspiration de la Bourgogne. Outre de délicates notes d’agrumes, ce vin développe des éléments salés et résineux. Il s’agit d’un vin complexe, dense, soutenu par une acidité juteuse, avec beaucoup d’onctuosité.
«Je suis toujours en quête de finesse et de fruité délicat», explique Marco Casonova. De fait, tous ses vins sont à l’image de cette philosophie. Cela vaut pour ses quatre Pinot, qu’il élève aussi à la mode bourguignonne selon le concept de parcelles sélectionnées. Cela à l’instar du Pinot Noir «Fürscht» 2015, qui est mis à fermenter avec une partie des rafles. Il surprend d’abord par sa couleur rouge brique clair, puis par sa subtile aromatique, dans laquelle les notes de baies rouges entrent en résonance avec des arômes de clous de girofle, de pétales de rose, de livèche (herbe à Maggi) et d’herbes de Provence. Mais surtout, ce cru séduit par sa sapidité attrayante.
Un paradis en bord de lac
Les difficultés rencontrées un an plus tard malgré un début de rêve sont dues à des circonstances extérieures. Gel, coulure, drosophile du cerisier et mildiou ont ainsi eu raison d’un bon tiers des récoltes en 2016. Comme cette année-là réclamait des investissements importants en équipements et machines, le vigneron a connu des problèmes de trésorerie. Toutefois, grâce à un prêt à taux zéro, ainsi qu’à un projet de financement participatif bapitsé «100-Days», qui a permis de dépasser la barre des 60 000 francs souhaités, il a réussi à remettre sa jeune entreprise sur de bons rails. Plus important encore: «Cette démarche m’a permis de faire de nombreuses rencontres et de glaner des idées, ce qui m’a vraiment redonné confiance en l’avenir», déclare Marco Casanova. Et ce, en dépit des nouveaux dégâts causés par le gel au printemps de cette année. Epaulé par sa compagne Eleni Meyer, il souhaite agrandir le lounge existant près du vignoble Seemühle pour l’ouvrir au public. L’objectif consiste à proposer des tapas créés de toute pièce pour accompagner les vins du domaine. Aucun doute: le visiteur qui s’est assis ici à l’ombre des parois rocheuses monumentales des Churfirsten et a plongé son regard dans les eaux bleues du lac, ne risque pas d’oublier de si tôt ce lieu unique, tout comme il se rappellera toujours ce vigneron et ses vins si particuliers.
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