«Le Swiss Spirits Award est un concours professionnel organisé en Suisse qui évalue les spiritueux helvétiques. Le SSA a pour objectif d'attester du niveau de qualité actuel des spiritueux suisses, de les distinguer et de les rendre accessibles au plus grand nombre. Il s'agit également de promouvoir leur renommée, leur image de marque, mais aussi leur commercialisation». Voici le premier article du règlement qui régit ce concours organisé par le magazine VINUM. Au point deux, on peut lire que la compétition est un projet de «Best of Swissness». Cette plateforme, pour l'heure encore peu connue, va regrouper tous les produits de qualité – parmi lesquels fromages, vins, spiritueux – qui satisfont à la nouvelle règlementation relative à l’emploi de l’indication de provenance «Suisse» et de l'utilisation de la croix blanche sur fond rouge pour les entreprises. Cette législation entrée en vigueur le 1er janvier 2017 a été renforcée afin de confirmer la crédibilité du «label suisse», une indication de provenance synonyme dans le monde entier de qualité et de savoir-faire. De fait, les études montrent que la marque suisse apporte une plus-value de 20% pour la plupart des produits qui peut monter jusqu’à 50% pour les produits de luxe. Inutile de dire qu’un tel catalyseur économique engendre un certain nombre de convoitises. La nouvelle législation, mise sous toit par le parlement en 2013, implique que, pour les denrées alimentaires: «au moins 80% du poids des matières premières utilisées doit provenir de Suisse. Pour le lait et les produits laitiers, 100% du lait doit être pris en compte. En plus, l’étape de transformation qui confère au produit
ses caractéristiques essentielles (par exemple la transformation du lait en fromage) doit avoir lieu en Suisse. Des exceptions ont toutefois été prévues, notamment pour les produits naturels qui ne peuvent pas être produits en Suisse en raison des conditions naturelles (par exemple le cacao) ou qui ne sont pas disponibles en quantité suffi sante». Seuls les spiritueux qui répondaient à ces critères ont pu être inscrits au Swiss Spirits Award. Cette garantie d’authenticité explique en partie le succès de cette première édition qui a regroupé plus de 200 concurrents venus de toutes les régions linguistiques de la Suisse. La précision et le sérieux helvétiques étaient aussi de la partie lors des dégustations qui ont vu une vingtaine de professionnels déguster, comparer et noter les échantillons qui leur étaient bien entendu proposés dans l’anonymat le plus complet. Pour que la boucle soit complète, il faut maintenant que ces kirschs, ces grappas, ces «Vieille» et ces absinthes retrouvent la faveur des consommateurs. La qualité des spiritueux et l’inventivité des distillateurs sont telles que nous ne doutons pas que les nouvelles générations d’épicuriens tomberont rapidement sous le charme de ces alcools d’exception. «Les essayer, c’est les adopter» affirme l’adage populaire. Et pour les découvrir, quoi de mieux que la soirée de gala, ouverte à tous, du Swiss Spirits Award qui se déroulera le 26 avril dans un cadre exceptionnel à Zurich.

Meilleur distillateur de l’année

Récompensant la meilleure performance d’ensemble, le Swiss Spirit Master 2018 est le prix spécial le plus prestigieux du Swiss Spirits Award. Il est attribué au producteur ayant obtenu la plus haute moyenne de ses trois meilleures médailles d’or (ce qui implique une note située en 91 et 100 points) remportées dans trois catégories différentes (sur les neuf du concours).

En classant cinq de ses spiritueux dans les 27 nominés des neuf catégories du Swiss Spirits Awards, Lateltin AG réussit une performance d’ensemble impressionnante. La société zurichoise dirigée par Sandro Vetterli monte sur le podium avec deux kirschs, une eau-de-vie de poire Williams et remporte deux catégories, celle des Grappa et la très hétéroclite «Autres spiritueux». Selon le règlement du concours on pouvait y retrouver pêle-mêle brandy, vodka, bitter, rhum et aquavit sans oublier des eaux-de-vie d’herbes, de racines, d’anis, de carvi, de betteraves, de noix, de miel et d’autres légumes ou épices. Pourtant dans cet inventaire à la Prévert, c’est avec le plus classique de ses produits que s’impose la maison Lateltin. Le vermouth Jsotta est en effet la première marque développée par la distillerie qui s’affiche aujourd’hui comme le principal distributeur helvétique de spiritueux. Selon l’historique officiel, la société fondée en 1899 par Federico Lateltin était tout d’abord active dans le commerce de vin. Comme on définit le vermouth comme un apéritif à base de vin fortifié, on comprend que le passage entre l’activité viticole et la production de «bitter» – à base de vin blanc suisse et d’herbes helvétiques - s’est fait sans trop de difficultés. Devenu extrêmement populaire dans les années 50 et au début des années 60 (près d’un demi-million de bouteilles vendues par an), le Jsotta va consolider le développement d’une entreprise qui possède aujourd’hui un portefeuille impressionnant. En plus des produits helvétiques distillés au coeur de la Suisse alémanique, l’entreprise qui a choisi comme slogan «Top of Spirits» distribue sur le marché helvétique des marques reconnues du monde entier à l’image des Single Malt de la distillerie Bruichladdich, installée sur l’île d’Islay au nord de l'Ecosse, du gin Ungava, élaboré au Canada, ou de Grasovka, la seule vodka d’herbe de bison provenant de Pologne.

Mais quittons les bisons, pour revenir à nos moutons, les spiritueux helvétiques. Un domaine que maîtrise à la perfection notre Spirit Master 2018. Notre voyage dans la galaxie Lateltin commence par la plus emblématique des eaux-de-vie suisse: le kirsch, cette eaude-vie de cerise qui se targue d’une tradition de plus d’un demi-millénaire. Le très fruité Berghof, dont il existe d’ailleurs une version casher, voisine avec le plus classique Landgold. Quittons ensuite les vergers des alentours du Rigi pour passer la barrière de la langue. Au Tessin, Lateltin sélectionne des marcs de Merlot. Elaborée selon la méthode de la solera – une technique de vieillissement espagnole dans laquelle les diff érents millésimes sont logés dans des barriques superposées dont les contenus sont transvasés du plus jeune au plus ancien, au fur et à mesure des mises en bouteilles – la Ticinella (dont l’eau-de-vie la plus jeune a passé au moins quatre ans en fût de chêne) charme par sa robe d’un doré étincelant comme par la complexité de ses arômes. Mention spéciale également pour l’eaude- vie de poire Williams de la gamme Berghof qui termine troisième de sa catégorie. De fait, typicité, maîtrise de la distillation, pureté du fruit composent une trinité qui, en plus d’avoir assuré la pérennité de Lateltin depuis plus d’un siècle, a conquis la vingtaine de jurés de cette première édition du Swiss Spirits Award. A noter, pour ceux qui sentiraient poindre une vocation de distillateur, que le Spirit Master 2018 propose ses services en mettant à disposition aussi bien ses chaînes d’embouteillage que ses compétences en matière de produits alcooliques. Et ce, pour tous types de clients, car comme l’explique sur son site internet l’entreprise zurichoise: «même les produits industriels demandent une élaboration sur mesure».

«Des produits naturels, du savoir-faire et du temps, mais rien de plus»: voilà la philosophie de la distillerie qui emporte deux des trois principaux prix spéciaux du Swiss Spirits Awards 2018. L’Himbeergeist d'Eva et Christian Orator, qui ont créé il y a deux ans leur entreprise dans une ancienne fabrique de textile, est élaborée avec des framboises biologiques congelées puis macérées dans de l’alcool blanc avant d’être distillées. Le procédé confère une pureté et une intensité aromatique incroyables à cette eau-de-vie bio qui, avec 98 points, a obtenu le plus haut pointage du concours toutes catégories confondues.

Leur eau-de-vie de framboise tutoie l’excellence et leur gin Velvet fi nit troisième de la catégorie consacrée aux spiritueux à base de baies de genièvre. Si l’on rappelle que la distillerie Orator a été fondée en 2016 seulement par Christian et Eva Orator, on comprend sans diffi culté pourquoi cette entreprise de Pfungen, dans le canton de Zurich, remporte haut la main le titre de «Newcomer de l’année». Dynamique et minutieuse, la petite équipe d’Orator élabore des spiritueux classiques ou originaux avec des produits sauvages, comme le poivre de Madagascar, ou issus de l’agriculture biologique, tels que la fleur d’oranger de Sicile.

Les lauréats de l'édition 2018

Les spiritueux dégustés lors du Swiss Spirits Awards ont été classés dans neuf catégories Les très bons produits (note entre 81 et 90) ont reçu une médaille d’argent, les eaux-de-vie exceptionnelles (entre 91 et 100 points) une médaille d’or.