Grand Prix du Vin Suisse 2015
Le palmarès
Texte: Thomas Vaterlaus, Alexandre Truffer, Ursula Geiger et Joël Gernet
2900 vins dégustés et évalués, répartis en douze catégories différentes: voilà ce que représente le Grand Prix du Vin Suisse 2015. Le jury récompense aussi bien des domaines célèbres que des entreprises encore peu connues. Pour la première fois, le titre de Cave de l’Année revient à une entreprise vaudoise: le Domaine de la Ville de Morges.
NOUVEAU Sélection en deux phases
Cette année, plus de 2900 vins étaient inscrits au Grand Prix du Vin Suisse (GPVS). Pour choisir un lauréat dans les douze catégories, un processus de sélection en deux étapes a été instauré pour la première fois. Le jury, composé de 170 personnalités du vin, s’est réuni fin juin 2015 pour déguster chacun des 2900 vins. Cette première étape a permis de décerner médailles d’or et d’argent aux meilleurs échantillons présentés. Comme de coutume, les six plus hauts pointages de chaque catégorie ont été nominés pour une seconde dégustation.
Les 72 vins sélectionnés pour la finale ont été présentés les 18 et 19 août à un second jury. Les membres de ce comité restreint étaient: Sue Style (journaliste du vin anglaise, vivant en Alsace, écrivant notamment pour Decanter), John Chua (consultant en vin à Singapour, qui travaille entre autres pour Singapore Airlines), Sigi Hiss (journaliste du vin en Suisse alémanique qui signe dans GastroJournal et VINUM), Pierre Thomas (journaliste spécialisé), Emeline Zufferey (œnologue et membre du comité de VINEA, François Murisier (président de VINEA,), Alexandre Truffer (journaliste du vin, rédacteur en chef de l’édition française de VINUM) et Thomas Vaterlaus (rédacteur en chef de VINUM).
L’objectif de cette deuxième dégustation: harmoniser les résultats du premier jury, qui pouvaient comporter des incohérences dues au fait que différents comités avaient goûté sur plusieurs jours les vins sélectionnés pour la finale. Plus important encore: la présence de dégustateurs renommés venus de différents pays permet d’offrir aux meilleurs vins du Grand Prix du Vin Suisse un tremplin inédit sur la scène internationale!
Domaine de la Ville de Morges - Morges VD
Cave de L’Année
Les critères de réussite
Comme le Grand Prix du Vin Suisse a souvent récompensé par le passé de grosses exploitations, le prix du Vigneron de l’Année a été rebaptisé en 2014 et les critères observés pour le décerner ont été modifiés: les domaines qui souhaitent concourir doivent impérativement présenter cinq vins dans trois catégories. Le titre est ensuite adjugé en fonction de trois critères: rapport entre vins présentés et vins primés (médailles d’or et d’argent), entre vins présentés et vins nominés (les six premiers vins de chaque catégorie), mais également entre vins présentés et vins lauréats (places 1 à 3).
Grand Chelem pour la Ville de Morges
Printemps 2015, Marc Vicari inscrit cinq vins au Grand Prix du Vin Suisse. Verdict: deux médailles d’or (Guérites rouges 2013 et Servagnin 2013) et trois d’argent (La Grand’Rue 2014, Les Guérites Blanc 2013 et le Gamay Réserve 2013). L’assemblage de Garanoir et de Gamaret est même nominé. A ce moment, l’entreprise de La Côte fait partie des prétendants au titre de Cave de l’Année. La décision ne tombera qu’après la redégustation par le «grand jury» qui a eu lieu les 18 et 19 août à Sierre. En lui décernant la médaille de bronze dans la catégorie Assemblages rouges, cet aréopage attribue enfin le titre suprême au canton de Vaud.
2015: une année faste
Plus important encore, il récompense une entreprise que peu attendaient à ce niveau. Soyons honnêtes, personne ne pensait il y a encore un an que le Domaine de la Ville de Morges remporterait la même année le Mondial du Chasselas et le Grand Prix du Vin Suisse. A ma connaissance, aucun des prescripteurs – l’auteur de cet article inclus – du vignoble helvétique ne l’a jamais inscrit au nombre des caves icônes du canton de Vaud. Bien entendu, la commune de Morges n’est pas novice sur la scène viticole. Les archives montrent que la municipalité a acquis des vignes en 1547 déjà. Au fil des siècles, le domaine a connu de multiples transformations pour atteindre sa taille actuelle: quinze hectares, en propriété ou loués, exploités, encavés et vinifiés pour donner naissance à treize vins. Mais tout de même! Un domaine de fonctionnaires, de La Côte, des ailes de La Côte même, remporter deux des titres les plus convoités du vignoble la même année! Comment est-ce possible? Tout d’abord, il faut savoir que Morges est sans doute devenue la commune la plus intéressante du vignoble vaudois. Plus diversifiée qu’Yvorne, moins hétérogène qu’Epesses ou Féchy, ce lieu de production a su atteindre un niveau de qualité général remarquable. Derrière la locomotive de ce développement, à savoir le Domaine Cruchon, la quasi totalité des vignerons des Vins de Morges ont su prendre le virage de la qualité dans la diversité comme le montre la réussite du Servagnin de Morges. Ensuite, il y a un homme derrière ce succès: Marc Vicari. Le directeur du domaine, nommé en 2013 lorsque la municipalité transforme le domaine en société anonyme, a su réussir la transition entre l’équipe historique – Luc Tétaz et Frédéric Hostettler – qui a élaboré les 2013 si bien notés aujourd’hui et le duo actuel: Fabio Penta, œnologue-conseil qui gère les vinifications depuis l’été 2014, assisté par Corentin Houillon, le nouveau chef de culture arrivé au printemps 2015.
www.domainedelaville.ch
Artisans Vignerons d’Yvorne - Yvorne VD
Artistes de la bulle
Fondée en 1902, composée de quelques 120 coopérateurs, vinifiant près de 55 hectares (sur les 160 du lieu de production), la société coopérative Artisans Vignerons d’Yvorne fait partie des entreprises incontournables de ce village du Chablais indissociablement associé au Chasselas. Ce cépage contribue d’ailleurs à hauteur de plus du 80% des volumes encavés par l’entreprise. Une proportion élevée que les sociétaires ne voient pas comme un désavantage puisque dans leur charte de qualité, ils proclament être attachés à l’encépagement qui leur a été transmis et promouvoir avec conviction le Chasselas, cépage de prédilection à Yvorne. Les meilleures parcelles de ce grand blanc helvétique donnent naissance au Chant des Resses, une cuvée iconique qui, depuis sa création en 1962, collectionne les récompenses. Le millésime 2008 a notamment remporté les très convoités Lauriers de Platine du label Terravin. Sous la direction de Patrick Ansermoz, les Artisans d’Yvorne ont eu à cœur de démontrer que leur savoir-faire en matière de Chasselas ne se limitait pas à l’élaboration de cuvées classiques, même haut de gamme. Au fil du 21e siècle, l’offre de la coopérative s’est enrichie d’un vin doux issu de raisins passerillés, l’Ange et Démon, et d’un effervescent. Celui-ci, élevé de manière traditionnelle – comme un Champagne ou un Cava – est encore, vous l’aurez deviné, un Chasselas. Lui aussi commence à collectionner les récompenses au niveau local, national et international. Auréolé d’une médaille d’argent au Grand Prix du Vin Suisse, ce Blanc de Blancs a manifestement séduit le «grand jury» puisque celui-ci lui a fait remporter la catégorie.
www.avy.ch
VAINQUEUR - Blanc de Blancs Yvorne
Aérien et sapide, cet effervescent charme par sa robe claire et brillante, son nez délicat qui marie des notes herbacées, de la brioche, du pain de seigle et des fruits secs, ainsi que par sa bouche élégante portée par une effervescence délicate. Le tout se termine par une finale équilibrée. 2015 à 2017.
Nouveau Salquenen Adrian & Diego Mathier - Salquenen VS
Fendantastique
Le naturel avec lequel Diego Mathier le touche-à-tout accumule les prix depuis plusieurs années a beau ne plus étonner personne, il reste extraordinaire. L’an dernier, sa cuvée Madame Rosmarie Mathier 2013 s’est distinguée en tant que meilleur assemblage blanc du Grand Prix du Vin Suisse. Cette année, il frappe encore un grand coup avec son Fendant! Élevé à partir de raisins de différentes parcelles disséminées dans tout le Valais et vinifié de manière classique, le Fendant du Ravin 2014 se révèle certes rond et tendre. Pourtant, son acidité maîtrisée à la perfection balaie le préjugé encore largement répandu qui veut que le Fendant soit la version la plus indolente du Chasselas suisse! Et pourtant, ce cru a terminé sa fermentation malolactique. L’équipe de Diego Mathier veille à une qualité exceptionnelle, même quand il s’agit de vins de tous les jours et pas uniquement pour l’élaboration de crus de prestige. Voilà la preuve du niveau d’exigence de ce domaine, qui embouteille chaque année pas moins de cinquante vins différents! L’entreprise de Salquenen doit aussi son niveau hors du commun au talent de son œnologue, Cédric Leyat, un créateur posé et précis. Celui-ci travaille avec la famille Mathier depuis près de 25 ans déjà. L’ascension du domaine Nouveau Salquenen ne s’est pas faite en une nuit, elle est le résultat d’un minutieux travail de plusieurs décennies. La dynamique féminine, qui va forcément gagner en importance à moyen terme, pourrait par ailleurs accentuer encore la progression qualitative: Diego Mathier et son épouse Nadia ont en effet quatre filles.
www.mathier.com
VAINQUEUR - Fendant du Ravin 2014
Ce Fendant racé offre un nez expressif ainsi qu’une bouche fraîche et ronde. Les arômes floraux, comme la camomille et le tilleul, cohabitent avec des notes de fruits blancs. Un léger perlant, perceptible en attaque, donne de l’équilibre à la bouche structurée dotée d’une finale persistante. 2015 à 2017.
Domaine Nadine Saxer - Neftenbach ZH
Intrépide «Sylvie»
La réussite de «Saxer Neftenbach» est une success story comme il en existe en Californie ou en Nouvelle-Zélande, mais rarement dans la tranquille région viticole de Zurich. Pourtant cela s’explique facilement: Nadine Saxer et son mari Stefan Gysel ont tous deux travaillé à l’étranger, et ils appliquent chez eux ce qu’ils ont pu observer là-bas. La nouvelle cave de Neftenbach, achevée cet automne, en est un exemple: elle a été complètement intégrée dans les coteaux, à l’exception de quelques fenêtres futuristes. Le visiteur y trouve une fonctionnalité subtilement mise en scène, comme avec les parois en béton apparent aux reflets de bronze de la cave des barriques, ou le bar de dégustation, un modèle de simplicité paradisiaque et pourtant moderne. Cette modernité se retrouve aussi dans les vins de Nadine Saxer. Prenons, par exemple, le «Sylvie». Le diminutif osé de ce Riesling x Silvaner est bien la preuve que nous avons ici affaire à une interprétation contemporaine de ce cépage. Il marie un fruité primaire séduisant au nez, à une fraîcheur élégamment accentuée par un soupçon de perlant. C’est précisément ce style gouleyant qui a conduit cette variété vers sa renaissance actuelle. En visitant le domaine, vous aurez peine à croire qu’il n’a été construit que dans les années 1990 par Jürg Saxer. Il a été renommé à l’occasion de la passation des rênes de l’entreprise à sa fille Nadine. Cette transmission s’est accompagnée du changement de nom, de nouvelles étiquettes et de la construction d’une nouvelle cave. Pas question de faire dans la demi-mesure!
www.nadinesaxer.ch
Cave Dubuis & Rudaz - Sion VS
Un grand oui à la vie
Puissant, corsé et caractérisé par des notes d’amandes ainsi que par une amertume bien marquée, le Johannisberg n’est pas un vin à la mode. J’avoue qu’en prenant place à la dégustation du «grand jury» en compagnie de dégustateurs alémaniques, anglo-saxons et asiatiques, je ne donnais pas cher de ce Silvaner. Comment allait-il tirer son épingle du jeu face à deux Heida fougueux de producteurs renommés et trois Sauvignon Blanc typés d’Outre-Sarine? Au final, ce blanc signé Philippe et Caroline Dubuis s’est montré aussi racé que profond et a réussi à dominer sa catégorie de la tête et des épaules. Le père et la fille gèrent de concert un domaine qui s’est engagé sur le chemin de la biodynamie bien avant que ce mode de culture alternatif ne devienne tendance. Comme l’entreprise sédunoise, qui affiche aussi le label Vinatura, l’explique avec conviction sur son site internet: «peu satisfaite des exigence légales en la matière et afin de nous prouver que cela est possible, la Cave Dubuis & Rudaz a entrepris depuis 2000 une reconversion de dix hectares en biodynamie». Elle définit aussi ce mot parfois un peu flou: «A ne pas confondre avec les vins biologiques, la biodynamie se base sur une profonde compréhension des lois du vivant acquise par une vision qualitative globale de la nature. Elle considère que la nature est actuellement tellement dégradée qu’elle n’est plus capable de se guérir elle-même et qu’il est nécessaire de redonner au sol sa vitalité féconde indispensable à la santé des plantes, des animaux et des hommes grâce à des procédés thérapeutiques. » Rythmes lunaires, traitements par décoctions et cornes de vaches enterrées font donc partie des secrets de ce domaine créé en 1985 qui, pour ses trente ans, remporte cinq médailles en plus de la catégorie des monocépages blancs.
www.dubuis-rudaz.ch
VAINQUEUR - Johannisberg 2014
Ce Silvaner aussi typé que racé, à la belle robe dorée, séduit par son nez expressif de fruits jaunes mûrs, ainsi que par sa bouche ample à l’aromatique expressive qui se termine par une finale corsée. Ajoutez des notes caractéristiques mais délicates d’amande amère ainsi qu’un équilibre idéal de l’attaque à la finale, et vous avez l’un des coups de cœur de l’année. 2015 à 2018.
Cave de la Rose d’Or - Luins VD
Glorieux et précieux
La finale de la catégorie mettait en présence cinq cuvées valaisannes, dont trois élaborées par d’anciennes «caves de l’année», et un représentant de La Côte, le Curieux, de Jean-Michel Walther. Cet assemblage de Chardonnay, de Pinot Gris et d’Aligoté a pourtant su convaincre le «grand jury» et s’imposer dans sa catégorie. Lors de la désignation du Prix Vinissimo blanc – qui ne récompense plus le plus haut pointage du concours mais est décerné à l’issue d’une redégustation des vainqueurs des catégories Chasselas, Müller-Thurgau, Autres cépages blancs purs et Assemblages blancs – ce magnifique assemblage a su à nouveau faire la différence pour remporter cette distinction «coup de cœur». Si le nom de ce vin vous intrigue, sachez que l’originalité dans le choix des patronymes de ses cuvées fait partie de la signature de Jean-Michel Walther. A côté du 1903, un assemblage élevé sous bois qui fait référence à la création du domaine, ou du Patience, un Malbec de longue garde, la gamme affiche un Ma Mère m’a dit, (elle lui a sussuré: «si tu faisais un Merlot »), une Altesse, le Si mon père le savait, ou un rouge surmaturé, le Monchery (les arômes exubérants de cerise sans doute). En tout, ce passionné d’aviation élabore vingt-six vins différents avec la vendange de son petit domaine de quatre hectares. Païen, Diolinoir, Aligoté, Marsanne Blanche ou Syrah cohabitent avec les variétés plus traditionnelles. A la Rose d’Or, les monocépages côtoient les assemblages élaborés avec minutie par le maître des lieux. Ainsi le Curieux n’en est pas à sa première finale au Grand Prix du Vin Suisse. Le millésime 2010 s’était déjà retrouvé dans le dernier carré de l’édition 2011 du concours national.
www.caverosedor.ch
VAINQUEUR - Le Curieux Luins 2013
Ce mariage de trois cépages présente une robe jaune dense, un nez mûr et expressif ainsi qu’une bouche généreuse. La mandarine, l’écorce d’orange, la mirabelle, le melon et le fruit de la passion emplissent le nez comme la bouche ample et structurée. Dans la finale, puissante mais relevée par une belle acidité, on perçoit même des notes de pâtisserie. 2015 à 2018.
Parfum de Vigne - Dully VD
L’oeil du maître
Jean-Jacques Steiner fait partie de ces professionnels discrets que les feux de la rampe ont tendance à rater. Pourtant quel talent et quel palmarès! En 2011, le millésime 2010 de son Œil-de-Perdrix a fait sensation au Mondial du Pinot en remportant une Grande Médaille d’Or, un exploit pour un rosé. Ce triomphene fait que confirmer la qualité d’une des spécialités les plus titrées de Suisse. En 2007, notre professionnel était déjà monté sur la troisième marche de la catégorie rosés et blancs de noirs du Grand Prix du Vin Suisse. Rebelote quatre ans plus tard avec une nouvelle médaille de bronze lors de l’édition 2012 du concours national. En 2015, le vigneron de Dully s’invite à nouveau dans le sprint final et remporte la catégorie devant deux autres Œil-de-Perdrix romands. Si ces récompenses ne laissent aucun doute sursa maîtrise de la vinification en rosé du Pinot Noir, Jean-Jacques Steiner domine tout autant l’élaboration de rouges issus de ce noble cépage. Preuve en est le titrede «Gran Maestro» du Pinot Noir – meilleure moyenne pour trois millésimes consécutifs – remporté au Mondial des Pinots 2014. Précisons que la cave Parfumde Vigne, fondée en 1980 à partir du domaine familial, est la seule entreprise romande à avoir gagné cette prestigieuse distinction, chasse gardée des cuvées de prestige des Grisons. Malgré cette pluie d’honneurs, Jean-Jacques Steiner n’a pas pris la grosse tête. Présentantune gamme d’une vingtaine de cuvées, toutes élaborées avec minutie, ce maître du Pinot a choisi de maintenir des prix «populaires» pour ses chef d’œuvres oscarisés qu’il présente sur la plupart des salons spécialisés de Suisse romande et alémanique.
www.parfumdevigne.ch
VAINQUEUR - Œil-de-Perdrix Rosé de Pinot Noir 2014
Fraise, nectarine, pêche et framboise se marient dans un nez expressif. L’attaque souple et fruitée ainsi que la finale sapide et tendue encadrent une bouche racée d’une magnifique pureté. Quelques accents tanniques confèrent un surcroît de personnalité à ce vainqueur à la belle robe saumonée. 2015 à 2017.
Cave du Crêtacombe - Chamoson VS
Rebelote
Michel et Fabienne Constantin-Comby avaient connu leur heure de gloire en 2012 lors du Grand Prix du Vin Suisse. Leur Johannisberg du millésime 2011 s’était non seulement imposé dans la catégorie des cépages blancs purs devant deux Petite Arvine, deux Chardonnay et un Traminer, mais il avait aussi obtenu le meilleur pointage du concours toutes catégories confondues (à l’époque, ce prix spécial n’avait pas encore été scindé en Vinissimo rouge et Vinissimo blanc). De plus, ce blanc élégant et racé, qui arborait la mention Elevé en Amphore, avait déclenché une vague d’intérêt pour ces contenants en béton. Michel et Fabienne avaient découvert cette ovoïde innovation – devenue le comble du chic œnologique aujourd’hui – dans le Chablais vaudois, chez Bernard Cavé. Il l’avait introduite en Valais malgré le scepticisme de beaucoup de leurs collègues. Amoureux du Johannisberg, «ce cépage emblématique de Chamoson qui a besoin de cinq à dix ans de garde pour développer vraiment son potentiel », le couple a aussi vinifié dans le béton Humagne Blanche et Fendant. La renommée de ces spécialités a permis au domaine de se forger une réputation de qualité dans une région viticole où les producteurs haut de gamme sont légion. Le titre de meilleur Gamay du Grand Prix du Vin Suisse 2015, remporté devant cent autres concurrents, vient à point pour confirmer que la renommée du petit domaine de Chamoson ne doit rien au hasard. Il leur permet, en tout état de cause, de revendiquer leur place dans un cercle très restreint, celui des producteurs ayant réussi à gagner deux catégories différentes – en blanc et en rouge – du Grand Prix du Vin Suisse.
www.cretacombe.ch
VAINQUEUR - Gamay 2014
Ce rouge complexe et frais marie des notes très expressives de fruits noirs à des arômes épicés élégants. La cerise et le poivre blanc se retrouvent au nez comme dans la bouche souple et tendue encadrée par des tanins fermes. Une petite touche de réglisse apparaît dans la finale persistante et sapide. 2015 à 2017.
Volg Weinkellereien - Winterthour ZH
Roi oriental
300 vignerons, 25 cépages, 78 terroirs: les caves VOLG sont une entreprise incontournable du vignoble de Suisse orientale. «Rychenberg», une parcelle de 44 ares sise sur un sol de cailloux et de sable mêlé de marne rongée, est considéré comme l’un des parchets les plus qualitatifs du domaine. Il fait partie du «Goldenberg» et se situe au beau milieu de la ville de Winterthour. L’impressionnant coteau exposé plein sud appartient à VOLG qui l’exploite elle-même. Des moutons Dorper y paissent régulièrement pour éviter une pousse trop anarchique dans les terrasses enherbées. Les habitants de Winterthour connaissent bien ce vignoble: un des chemins de promenade les plus appréciés part de la ville, traverse la vigne et rejoint le restaurant Goldenberg, qui trône sur la colline. Avec la victoire du Rychenberg Barrique 2013 dans la catégorie Pinot Noir du Grand Prix du Vin Suisse 2015, le reste de la Suisse va enfin réaliser que Winterthour fait partie des hauts-lieux du vin en Suisse orientale. Le succès de ce cru de la maison VOLG récompense un travail d’équipe exemplaire: Jürg Schönenberger, le directeur d’exploitation du domaine de Winterthour, connaît son terroir comme sa poche; le maître de chai Hans Schwarz sait comment élaborer et élever un superbe Pinot de Suisse orientale; Hermann Steitz, responsable des vignes et des caves de VOLG, a formulé le projet ambitieux de faire figurer les sélections de l’entreprise élevées en barriques sur la liste des meilleurs Pinot de la région. Et, comme le prouve cette victoire, ils sont manifestement en train de gagner leur pari.
www.volgweine.ch
VAINQUEUR - Winterthur Rychenberg Barrique 2013
Ce Pinot complexe et racé a été vinifié avec beaucoup de précision. La robe est d’un beau rubis dense. Le nez complexe marie des notes de fruits des bois, d’eucalyptus, de bois de cèdre et d’herbes aromatiques. La bouche croquante offre des tanins fermes, une structure charpentée ainsi qu’une finale persistante. 2015 à 2020.
Tamborini Carlo - Lamone TI
Maîtres du Merlot
Tout commence en 1983 avec le vignoble ai Brughi de Comano, entre Lugano et Lamone, le premier domaine du jeune Claudio Tamborini. La premier Merlot du domaine, vinifié en 1986, le «Vigneto ai Brughi», est une sélection parcellaire. Au fil des années, l’entreprise Tamborini s’agrandit, et son vignoble sis sur la commune de Comano s’étend, tant et si bien que le vin adopte le nom de la commune. Élevé uniquement les bonnes années, cette cuvée de prestige devient un vin phare, non seulement de l’entreprise Tamborini, mais aussi du Merlot du Tessin. Le Comano allie caractère, complexité et élégance, toujours dans une recherche sérieuse d’identité et de typicité. «J’ai récemment dégusté les crus 1991 et 1993, ils étaient vraiment parfaits», s’extasie Claudio Tamborini à propos de son Comano. C’est lui qui, avec sa mère Brice, a repris l’exploitation familiale à la fin des années 1970, suite au décès prématuré de son père. L’histoire de l’entreprise commence en 1911 avec le fameux restaurant Tamborini à Lugano, fondé par Angiolina, la grand-mère de Claudio. Au fil des décennies, la maison Tamborini se transforme en société d’importation de vin. Dans les années 1970, avec l’arrivée de Claudio, commence la production de vin. Avec succès! En 2012, Claudio Tamborini, dont les vins gagnent régulièrement des concours, reçoit le titre de Vigneron de l’Année au Grand Prix du Vin Suisse. Entre-temps, la troisième génération a repris les rênes de l’exploitation. La fille de Claudio a rejoint l’équipe il y a deux ans, et son cousin Mattia Bernardoni, qui a rejoint l’entreprise familiale en 2002, en est devenu le directeur. Avec cette victoire, la nouvelle génération peut donc écrire une nouvelle page de l’histoire de la maison Tamborini.
www.tamborinivini.ch
VAINQUEUR - Comano 2013
Prometteur, complexe, gras et potentiel sont des mots revenus souvent pour qualifier ce magnifique tessinois qui se distingue par sa robe grenat dense, son nez expressif de cerises noires mâtiné de notes boisées, sa bouche puissante et structurée portée par une acidité équilibrée et encadrée par des tanins fermes. 2015 à 2022.
Cave Jean-Marie Pont - Sierre VS
Pont d’or pour la Syrah
Dans le numéro d’octobre 2014 de l’édition francophone de VINUM, nous vous présentions cette cave discrète en pleine ascension. Un petit domaine familial de trois hectares sur les hauteurs de Sierre où Geneviève et Jean-Marie Pont donnent naissance à des crus précis, élégants et typés que les restaurateurs locaux mettent de plus en plus à leur carte. Diplômé de Changins en 1997, Jean-Marie a longtemps travaillé pour le groupe Rouvinez avant de monter sa propre entreprise. Sur la terrasse de leur maison de Muraz, petit hameau entre Sierre et Montana, Jean-Marie confi ait avoir pris un risque en quittant une très bonne place pour devenir indépendant. «Nous n’avions ni cave, ni vignes. La première année, il a fallu tout louer. Beaucoup de gens m’ont traité de fou quand nous avons fondé la cave en 2006. D’ailleurs, sans l’expérience et la rigueur de Geneviève, l’aventure se serait sans doute terminée abruptement.» Jusqu’en 2013, Jean-Marie a travaillé pour l’association VINEA en attendant que les volumes commercialisés soient suffisants pour devenir totalement indépendant. Cette victoire dans la catégorie des autres cépages rouges purs, l’une des plus disputées du Grand Prix du Vin Suisse, confirme les options courageuses privilégiées par le domaine en matière de réencépagement. Chaque année, le couple remplace 1000 à 1500 mètres de vignes afin d’obtenir une parfaite adéquation sol-cépage d’ici dix ans. Les vignes qui donnent naissance à cette Syrah élancée et gourmande prospèrent sur les coteaux de Corin et de Muraz. Elevé en barriques anciennes, ce lauréat racé possède un potentiel de garde de plusieurs années.
www.jmpont.ch
VAINQUEUR - Syrah 2014
Déclinaison élégante d’une Syrah racée, ce cru fougueux possède un intéressant potentiel de garde. Nous avons admiré la robe pourpre, apprécié le nez expressif de poivre blanc, de cardamome et de fruits noirs, savouré la bouche puissante et équilibrée qui débute par une attaque vive et se termine par une longue finale épicée. 2015 à 2019.
Cantina Monti - Cademario TI
La recette du succès
Le Malcantone Rosso del Ronchi est le résultat très réussi de longues années d’essais dans la bonne humeur. Cet assemblage sophistiqué vaut pourtant encore quelques nuits blanches à ses créateurs: pendant la fermentation, le moût est remué à la main avec soin toutes les quatre heures, de jour comme de nuit. Les raisins poussent sur les coteaux du «Ronchi», au-dessus de Cademario, où Sergio Monti a ramené à la vie la jolie petite entreprise familiale dans les années 1970. Aujourd’hui, c’est son fils Ivo qui mène l’exploitation. Le Malcantone Rosso del Ronchi 2012 victorieux lui inspire la réflexion suivante sur la dominance du Merlot pur du Tessin: «Un soliste procure de belles émotions, mais un orchestre possèdera toujours plus d’ampleur; ainsi, chaque cépage apporte une épice ou un fruit différent.» Le millésime 2012 a développé une maturité optimale des tanins grâce à la grande différence de température entre le jour et la nuit: «un vin tout en finesse». Les cépages de cette cuvée poussent à une altitude comprise entre 300 et 600m. Chaque parcelle est récoltée et vinifiée séparément. Les vignes y sont aussi pentues que la cave ultra moderne, qui s’étend sur quatre niveaux. Pourtant, pas de pompe à l’horizon: les mots d’ordre sont ici gravitation et pesanteur. L’orchestre rouge mûrit 15 mois en barriques neuves, avant d’être mis en bouteille sans filtrage. Son créateur, René Gabriel, a dit un jour de son passionnant travail d’expérimentation à la Cantina Monti: «Quitte à rater, autant que ce soit au meilleur niveau.» Mais avec le Malcantone Rosso del Ronchi, il n’est pas question d’échec, bien au contraire: l’assemblage montre quel grand cru peut naître de la rencontre d’un travail manuel minutieux dans la vigne, d’un temps idéal et d’un élevage précautionneux, associés à une recette éprouvée.
www.cantinamonti.ch
VAINQUEUR - Malcantone Rosso del Ronchi 2012
La robe est opaque. Le nez expressif dévoile des notes boisées élégantes mais aussi des arômes de romarin et d’encre. La bouche possède des tanins soyeux, une attaque souple, une aromatique expressive de fruits noirs mâtinés de notes d’élevage et une finale persistante et corsée. 2015 à 2022.
Philippe Varone Vins - Sion VS
Le sage de l’Ermitage
Il y a trois ans, la Barrique Liquoreuse du millésime 2010 avait manqué de peu le podium du Grand Prix du Vin Suisse. Cette année, le surmaturé de Philippe Varone passe du stade de nominé à celui de vainqueur de la catégorie. Faisant partie des pionniers de la charte Grain Noble ConfidenCiel, la maison Varone a fait ses premiers essais d’Ermitage flétri sur souche en 1997. Après comparaison entre les diverses parcelles testées, cette entreprise sédunoise créée en 1900 fait le choix du Clos de Châteauneuf. Dans les sols caillouteuses et schisteuses du lieu-dit Lentine, à Sion, 3000 mètres carrés de terrasses sont réservées depuis deux décennies à la production d’un grand vin doux. Elles ont d’abord donné naissance à la Valorine, qui changera de nom en 2009 pour devenir l’actuelle Barrique Liquoreuse. Quelle que soit son identité, ce vin demeure depuis l’origine un monocépage pur de Marsanne Blanche. Privilégiant l’équilibre à la puissance, le domaine se fixe un objectif de 160 à 170 degrés Oechslés, seuil le plus souvent atteint durant le mois de décembre, lorsqu’un tiers environ des baies sont attaquées par la pourriture noble. La fermentation se fait en barriques et précède un élevage de dix-huit mois, lui aussi en fûts de chêne. Cépage méconnu et mal-aimé des consommateurs helvétiques, la Marsanne Blanche a pourtant quelques inconditionnels. Philippe Varone en fait partie. Il vinifie aussi un Ermitage sec, le Grand Glarier qui, comme sa douce cousine, séduit par son intensité aromatique, sa structure et sa persistance. Surtout après quelques années de garde lorsque le visage juvénile de cette variété fait place à des traits typés et élégants.
www.varone.ch
VAINQUEUR - Clos de Châteauneuf Barrique Liquoreuse 2012
Densité et équilibre sont les maîtres-mots de ce Grain Noble ConfidenCiel à la robe dorée. Figue sèche, miel, raisin sec, noisette, coing et abricot très mûrs cohabitent dans un nez expressif. Ils rejoignent des notes de curry et de cannelle en bouche. Malgré sa richesse impressionnante, ce liquoreux reste élégant et frais jusqu’en finale. 2015 à 2025.
Yvan et Véronica Parmelin - Bursins VD
A la fleur du goût
Chaque lundi de Pentecôte, au restaurant de l’Union de Bursins, on frit des beignets de fromage, les Malakoff s, avant de les déguster arrosés de vin du Domaine de La Croix. Le regard des clients vagabonde sur le lac Léman, et parfois, le soir, le soleil en se couchant dépose un baiser sur la joue des sommets enneigés du massif du Mont-Blanc. Ses rayons se reflètent sur les neiges éternelles, créant une atmosphère épique. C’est sûr, vivre et travailler au domaine de La Croix ne peut que rendre heureux. Ce que prouve Yvan Parmelin, un infatigable créateur, plein de joie de vivre et possédant une bonne dose d’humour. Il exploite treize hectares de vignes, dont 7,5 ha lui appartiennent en propre. Yvan Parmelin a acquis de l’expérience dans différentes exploitations de Suisse et du Beaujolais. Il a aussi beaucoup voyagé en Amérique du Sud – deux ans si on additionne tous les séjours – où il a visité des domaines viticoles comme Concha y Toro au Chili et Trapiche en Argentine. Là-bas, il a été fasciné par le mariage minutieux de différents cépages pour donner un ensemble harmonieux. Aujourd’hui, Yvan Parmelin est passé maître dans l’art de l’assemblage. Aucun bouquet ne domine, l’équilibre de tous les composants se révèle parfait. Comme il formule le même souhait pour la nature qui l’entoure, son vignoble est certifié biologique depuis 2012. Le vigneron a décidé d’aller encore plus loin: il cultive des semences pour améliorer la biodiversité (et les couleurs) de l’enherbement du vignoble. L’hiver, pendant que les semences et les vignes se reposent, le domaine reste un lieu plein de vie et de gaieté. En novembre, l’équipe du restaurant de L’Union prépare du chou et des saucisses. Un peu de chaleur pour les jours de grand froid, quand le vent glacé souffle sur le lac Léman.
Tél. 021 824 20 55