10e Grand Prix du Vin Suisse
Les as 2016
Texte: Thomas Vaterlaus, Alexandre Truffer
Depuis maintenant dix ans, le Grand Prix du Vin Suisse se veut l’indicateur de l’esprit d’innovation qui anime la scène viticole suisse. Il off re aux meilleurs vignerons et à leursvins toute la visibilité médiatique et la renommée qu’ils méritent et dont ils ont deplus en plus besoin au vu de la concurrence féroce que constituent les crus étrangers. Les 18 pages suivantes présentent les domaines confirmés et les jeunes premiers, qui se sont hissés sur les plus hautes marches du podium en se démarquant des quelques 2800 autres vins présentés au Grand Prix 2016.
Le rouleau compresseur
Admettons-le, ce n’est pas une surprise. Si vous avez plus ou moins enmémoire les résultats des dix dernières éditions du Grand Prix, voussavez que la compétition pour le titre du domaine le plus primé de lapremière décennie d’existence du GPVS était courue d’avance. Pour remporter ce titre, il fallait obtenir le plus grand nombre de places depodium (du premier au troisième rang) dans les douze catégories. Diego Mathier, âgé de 46 ans, et son maître de chai de 52 ans, CédricLeyat, du domaine Nouveau Salquenen à Salquenen ont de loin le plus beau palmarès au concours national. Ils sont montés sur le podium àseize reprises et ont remporté à six reprises la catégorie dans laquelle ils concourraient. Une telle régularité dans un concours aussi important, où près de 3000 vins sont dégustés à l’aveugle, prouve que le domaine sait mettre la meilleure qualité en bouteille en faisant preuve de la plusgrande constance possible. «Je suis particulièrement fi er d’avoir réussi au fil des ans avec des vins très différents», déclare Diego Mathier.
Mettre ses résultats en avant
Deux médailles d’or lui ont toutefois apporté une satisfaction particulière: celle remportée pour le Fendant Du Ravin 2014 (GPVS 2015) et celle qui a couronné le Pinot Noir Les Pyramides 2005 (GPVS 2007).«Deux cépages subtils, qui ne pardonnent pas la moindre erreur», souligne Diego Mathier, qui doit en grande partie sa renommée nationale et internationale actuelle à sa réussite au Grand Prix et à ses deux titres prestigieux de «Vigneron de l’année». Il ne faut pas attendre que les médias parlent de ces prix, il faut prendre les devants et communiquer soi-même les résultats, une initiative que de nombreux vignerons suisses ont encore du mal à prendre. Les meilleurs crus helvètes sont depuis longtemps d’une telle qualité que c’est une erreur de faire preuve de fausse modestie. Diego Mathier n’a rien d’un naïf. Il sait que l’on reproche souvent aux lauréats d’être «des vins susceptibles de plaire au plus grand nombre». «Lors des premières éditions, nous avons présenté quelques vins de ce type. Mais ce n’est plus le cas depuis un moment. Nous présentons aujourd’hui nos grands crus vinifiés sans sucre résiduel. C’est la seule façon de continuer à faire progresser le concours. C’est un mauvais signe quand des concours d’une telle envergure récompensent des vins de masse.» Quel objectif quelqu’un comme lui qui a déjà presque tout gagné peut-il encore se fixer au Grand Prix? «Même si j’ai déjà remporté la catégorie Pinot Noir avec Les Pyramides, je souhaite réitérer l’exploit avec notre meilleur Pinot, l’Ambassadeur des Domaines Diego Mathier.»
Couronnement pour la Régence
La Régence Balavaud a conçu l’un des concepts oenotouristiques les plus aboutis du vignoble valaisan. Celui-ci allie caveau de dégustation, restaurant de qualité et chambres d’hôtes élégantes. A Vétroz, dans ce qui fut autrefois un relais de diligence, tout est étudié pour offrir la parfaite alliance de qualité et d’esthétisme. Pour profiter entièrement du séjour, il est recommandé de s’autoriser une nuit dans l’une des quatre chambres raffinées aux ambiances très différentes. Au choix: chambre coloniale, provençale, baroque ou suite aux inspirations orientales. Avant de profiter d’un sommeil réparateur, passage obligé au restaurant qui offre le choix entre une terrasse ombragée et une salle chaleureuse. Ici, les voûtes en pierre de taille composent un cadre accueillant convenant parfaitement aux classiques – revisités par Katia et Philippe Peule qui ont repris les rênes de l’établissement au printemps de cette année – de la gastronomie française qui s’égrènent sur la carte de cet établissement apprécié des gourmets.
Un Fendant de rêve
Pourtant, avant de savourer une terrine de foie gras à l’Amigne douce ou une grosse crevette dans sa nage de homard, l’expérience Régence-Balavaud débute au caveau construit en 2007. A moins qu’il ne préfère s’installer sur la terrasse faisant face au coteau couvert de vignes, le visiteur découvrira dans ce bar à vin chic et contemporain la vingtaine de cuvées élaborées au domaine. La plupart des vignes se situent sur les communes avoisinantes de Chamoson et de Vétroz, bien que quelques parcelles soient disséminées à Leytron, Ardon, Conthey, Savièse ou Salquenen. Les vins sont élaborés par Julien Fournier, œnologue et directeur de la cave depuis un peu plus d’un an. Il s’agit donc d’une magnifique consécration pour le travail de ce jeune professionnel de28 ans qui a renforcé il y a peu l’équipe mise en place par la très dynamique Blanca Imboden. Depuis 2015, les nouveaux critères pour obtenir le titre très convoité de «Cave suisse de l’Année» ont changé la donne. Ces règles nouvelles semblent favoriser les petites ou moyennes caves qui voient la majorité de leurs vins médaillés au détriment des entreprises de grande taille inscrivant un nombre très important devins. Sur les cinq références inscrites au Grand Prix du Vin Suisse par le domaine, quatre ont remporté une distinction. Le Johannisberg 2015s’adjuge l’argent, tandis que remportent une médaille d’or l’Amigne douce 2 abeilles, le Gamay et le Fendant, tous du millésime 2015. Cedernier blanc, baptisé Rêverie, termine même sur la deuxième marche de la très disputée catégorie Chasselas. Cette performance permet à la Cave Régence-Balavaud de succéder au vainqueur de l’an passé, le Domaine de la Ville de Morges, et de ramener le plus convoité des prix spéciaux du Grand Prix du Vin Suisse à Vétroz, un village du Bas-Valais reconnu depuis longtemps déjà pour sa haute densité d’exploitation viticoles de classe internationale.
Une tradition vivace
L’histoire du Prieuré Saint-Pierre de Môtiers débute au 6e siècle, lorsque des moines bénédictins construisent l’une des premières chapelles de la région. Transformé en monastère, puis sécularisé après la Réforme, ce bâtiment imposant doté de caves profondes débute son épopée viticole en 1829 lors de son acquisition par Abraham-Louis Richardet. Maîtrisant les secrets de l’effervescence, cet entrepreneur qui a bourlingué dans la région de Reims décide d’élaborer ce qui porte alors le nom de Champagne suisse. Trente ans plus tard, Louis-Edouard Mauler reprend les rênes de la société qui exporte alors la majorité de sa production. Dirigée aujourd’hui par Christine et Jean-Marie Mauler, l’entreprise familiale élabore près de 500 000 cols de ce que l’on appelle désormais des effervescents élaborés selon la méthode traditionnelle. Comme le proclament les étiquettes, les presque deux siècles de maîtrise de la bulle sont considérés comme l’une des fiertés de la maison. Ainsi, le blanc de noirs du millésime 2011 qui remporte la catégorie a été baptisé Bel Héritage. Puissant et vineux, ce brut qui a patienté sur lattes au minimum trois ans mérite d’être apprécié à table en accompagnement d’une viande ou d’un poisson de mer. Idem pour le Louis-Edouard Mauler du millésime 2010 – la cuvée la plus prestigieuse de l’entreprise baptisé d’après le fondateur de la dynastie – qui monte sur la troisième marche du podium: voici encore un blanc de noirs vieilli sur lattes pendant plus de trente-six mois qui n’arien à faire à l’apéritif ou dans un cadre exclusivement festif. La complexité de ces cuvées spéciales, née d’années de soins attentifs, mérite d’être appréciée avec un repas cuisiné avec soin.
Le grand classique
Retrouver le Fendant Classique de Robert Taramarcaz à cette place d’honneur n’arien d’une surprise. Sur son site internet, le vigneron valaisan a mis à jour le tableau des médailles de ce Chasselas vinifié pour la première fois en 2002. En moins de quinze ans, on y recense pas moins de 23 récompenses prestigieuses. Les millésimes 2009 et 2010 ont été finalistes au Grand Prix du Vin Suisse, tandis que le 2008 avait déjà remporté la catégorie Chasselas du concours national. Rebelote avec un 2015, déjà classé dans le top quinze du Mondial du Chasselas cet été. Si l’on ajoute que son autre Fendant, le Tradition, est monté trois fois sur le podium du Grand Prix du Vin Suisse, on obtient un total de sept trophées dans la catégorie en une décennie. Cette régularité explique sans doute que les Fendant du Domaine des Muses soi en parmi les rares blancs suisses à avoir été remarqués par les collaborateurs de Jancis Robinson et Robert Parker. Considéré par ces grands prescripteurs internationaux comme l’un des meilleurs vignerons helvétiques, le producteur de Sierre fait partie des professionnels valaisans qui voient le Fendant comme une spécialité complexe plutôt que comme un vin d’entrée de gamme. Il travaille donc ses vignes perchées sur les collines de la plaine de Rhône en conséquence et en vinifie la récolte avec un doigté acquis lors de ses études en Bourgogne. Cette précision lui assure une régularité hors-norme dans les concours, à l’image du Grand Prix 2016 où onze de ses vins ont été médaillés.
Un blanc mordant
La famille Zahnd qui obtient pour la première fois le prix du meilleur Müller-Thurgau réside dans le canton natal du créateur de ce cépage. Hermann Müller (1850 – 1927), originaire de Tägerwilen en Thurgovie, a commencé ses travaux en 1882 dans la ville allemande de Geisenheim, avant de peaufiner le nouveau cépage en 1891 à Wädenswil. C’est aussi en Thurgovie, que le «Müller» a connu une histoire mouvementée au cours des dernières années. Il a été pendant longtemps le cépage blanc dominant, mais ici aussi les vignerons misent de plus en plus sur d’autres variétés plus expressives. Ce phénomène a entraîné une diminution de la surface de culture du Müller-Thurgau ces vingt dernières années, même en Thurgovie. Toutefois, celui-ci connaît désormais une renaissance grâce aux techniques d’élevage modernes et à l’abandon de la fermentation malolactique. L’Amliker Müller-Thurgau 2015 est représentatif de ce style nouveau qui fait la part belle aux arômes primaires de fruit et développe une acidité croquante. Autant de qualités qui ont heureusement permis au «Müller» de faire des adeptes chez les amateurs plus jeunes. La famille Zahnd pratique la viticulture dans la vallée de la Thur depuis1929. Elle exploite 1,8 hectare à l’heure actuelle. Les ceps, trentenaires pour certains, poussent sur deux parcelles différentes sur des sols relativement profonds composés de grès bigarré et de marne. Depuis2000, les raisins sont vinifiés et mis en bouteille chez un vinificateur à façon, avant que le vin ne soit écoulé sous le nom propre de l’entreprise. Outre un vin sec, lauréat de la catégorie au Grand Prix 2016, Max Zahnd tire une version «plus douce» du Müller-Thurgau contenant davantage de sucre résiduel. Le meilleur endroit pour découvrir les vins de Zahnd est son« Rebchäller» poétique à Amlikon.
Pas à pas
Conscient du cadre exceptionnel dans lequel il travaille (les pentes du lieu-dit Corbassière qui a donné son nom à la cave atteignent souvent 50 à 60%), Nicolas Cheseaux s’applique à traduire dans ses vins le caractère marqué de ce coteau valaisan exigeant. Créé dans les années 1980 par Jean-Luc Cheseaux, le père de Nicolas, le domaine accueille une quinzaine de cépages plantés sur huit hectares. Si le fondateur de l’entreprise a succombé à un accident dans les années 1990, Nicolas travaille aujourd’hui avec son oncle. Celui-ci s’occupe des vignes tandis que le jeune vigneron est en charge de la vinification et de la vente. Sur les coteaux du magnifique village médiéval de Saillon, Nicolas Cheseaux s’appli que à mettre en valeur l’héritage familial qui lui a été transmis. « La génération qui m’a précédé avait réfléchi avec soin au ré encépagement. Lorsque j’ai repris le domaine en 2011, il abritait déjà une large palette de spécialités. Je n’ai pas eu besoin, ni envie, de tout révolutionner», explique-t-il. Lejeune vigneron, tout juste trentenaire, privilégie une politique des petits pas afin d’amener des améliorations concrètes. Nicolas fait ainsi partie du réseau agroenvironnemental de Saillon qui s’efforce d’apporter, par des mesures pragmatiques à la vigne, une aide concrète à des espèces locales rares ou en danger. Il vient aussi de s’affilier à l’association Junge Schweiz –Neue Winzer qui lui donnera l’occasion de rencontrer plus régulièrement une clientèle alémanique. Nul doute que celle-ci sera sensible à la consécration de sa Petite Arvine aussi précise que typique.
Mariage ethnique
Malgré sa petite taille, la Cave Les Sentes fait partie des producteurs qui grimpent souvent les marches des podiums du Grand Prix du Vin Suisse. Ainsi, l’an passé, son Pinot Noir 2014 s’était classé deuxième de la catégorie éponyme. Cette année, Serge Heymoz remporte la palme dans les assemblages blancs avec ce qu’il décrit comme un « assemblage ethnique de Païen, de Rèze et de Petite Arvineélevé en barriques». Le vigneron sierrois s’est depuis longtemps fait connaître parla qualité de sa Rèze, un cépage ancien quasiment disparu. Cette variété rustique qui se distingue par ses notes de bourgeon de sapin est ici mélangée avec deux autres variétés emblématiques du canton qui confèrent à l’assemblage de la structure, de la rectitude et de la fraîcheur. A la fois puissant et élégant, sculpté par un élevage maîtrisé, ce Sentes Blanches fait partie du trio de Sentes (un terme tombé en désuétude qui signifie petit sentier) du domaine. Les Rouges marient Syrah, Cornalin et une pointe de Diolinoir. Les Nobles se composent de vendanges tardives de Marsanne Blanche, de Pinot Blanc (parfois) et de Pinot Gris. En plus de ces trois cuvées offrant parmi les meilleurs rapports qualité-prix du vignoble helvétique, Serge Heymoz élabore sur son domaine – cinq hectares de coteaux réchauffés par l’intense soleil de Sierre –une quinzaine de mono cépages vinifiés avec beaucoup de soin.
Un rosé qui a du peps
Peter Gehring est un vigneron discret. Il préfère bricoler dans ses vignes ou son chai qu’en faire la promotion à grand renfort de formules accrocheuses. Et il n’en a pas besoin, car la qualité de ses vins parle d’elle-même. Lors de la grande dégustation de crus zurichois par le panel de professionnels de VINUM (dont les résultats ont été publiés dans l’édition alémanique de janvier 2016), Peter Gehring a obtenu la note moyenne la plus haute des 23 viticulteurs invités à l’événement grâce à son Pinot Blanc 2014 et à son Pinot Noir Barrique2013. Quelques mois plus tard seulement, il persiste et signe dans la catégorie Rosé de cette édition du Grand Prix du Vin Suisse. Pour ceux qui connaissent ce vigneron, ces succès ne constituent pas une surprise. Peter Gehring a le don de conférer aussi bien de la structure qu’un charme fruité à ses vins. Le viticulteur de 47 ans a fait ses gammes, entre autres, auprès du talentueux Urs Pircher à Eglisau. Il s’est ensuite attelé à partir de 1991 à la transformation de l’exploitation familiale en cave de vinification. Aujourd’hui, Peter Gehring exploite huit cépages différents sur un peu plus de six hectares. L’exploitation nichée au milieu des vignes surplombe le village de Freienstein. Les ceps, cultivés en rangs verticaux ou sur des terrasses, poussent sur le versant sud de l’Irch el dans des sols argileux de moraine. Fort de plus de vingt années d’expérience sur son domaine, ce vigneron engagé réussit aujourd’hui plus que jamais à tirer le meilleur parti de son terroir. Gehring fait aussi partie du groupe Pinitium, qui s’est fixé comme objectif de faire avancer la culture du Pinot Noir en bordure de la Thur, de la Töss et du Rhin au cours des prochaines années.« Tenter de nouvelles choses sans perdre de vue les anciennes pratiques», telle est la devise du viticulteur modèle zurichois.
Caractère et sapidité
Chaque année, nous nous faisons la même réflexion: la qualité des Gamay helvétiques s’améliore. Toujours plus fruités, toujours plus fi ns, toujours plus racés, ces rouges souples et expressifs méritent moins que jamais leur réputation de petitvin. Le Vieilles Vignes 2015 de David Rossier offre ce mélange d’expressivité, de caractère et de sapidité qui caractérise les meilleures déclinaisons de ce cépage rouge encore trop souvent mal connu et mal aimé. Coiffant au poteau deux références du Vieux-Pays, le lauréat est l’un des 25 vins proposés par David Rossier. Cet œnologue élabore en effet un nombre impressionnant de cuvées si l’on tient compte du fait qu’il travaille un domaine de seulement cinq hectares. Situées sur les communes de Chamoson et de Saillon, en plus de Leytron, les vignes sont travaillées avec minutie. La récolte est ensuite transformée avec un unique objectif: mettre en valeur les spécialités valaisannes à travers une vinification visant à exalter la typicité des cépages. Comme il dit lui-même, David Rossier préfère laisser parler ses vins plutôt que de se mettre en avant. Cette timidité ne l’empêche pas de soigner ses relations avec ses clients. En 2013, le domaine s’est donc agrandi d’un caveau de dégustation qui peut accueillir jusqu’à cinquante convives. L’occasion pour les amateurs de goûter non seulement le meilleur Gamay helvétique, mais aussi de s’intéresser aux Humagne – Rouge et Blanche – dont Leytron s’est fait la capitale et que David Rossier vinifie avec passion.
En parfait équilibre!
Pour de nombreux vignerons, la catégorie Pinot Noir est la « discipline reine» du Grand Prix du Vin Suisse. Rien d’étonnant à cela: aucun autre cépage ne réagit avec autant de sensibilité et de subtilité au travail du vigneron dans les vignes et en cave. Andrea Davaz et son équipe maîtrisent la direction de cette « première étoile» à la perfection. En 1972, la famille installée entre Fläsch et Maienfeld plantait ses premières vignes. Aujourd’hui, l’exploitation figure parmi les meilleurs domaines, mais aussi parmi les plus vastes: la famille cultive douze hectares de vignes sur les meilleurs terroirs. Le Pinot Noir offre d’ailleurs d’excellentes possibilités de sélection. Le domaine propose, en effet, trois crus de Pinot. L’Uris, lauréat lors de cette édition du Grand Prix, est la déclinaison la plus haut de gamme de ce cépage bourguignon. Restriction rigoureuse des rendements, macération de quatorze jours et élevage de douze mois en barriques françaises, fabriquées en chêne de Tronçais, de Nevers et de l’Allier, forment la base de ce vin exceptionnel, qui allie à la perfection l’élégance bourguignonne à un fruit aux accents du sud. Andrea Davaz, âgé de 52ans, est un véritable touche-à-tout. Outre son activité sur le domaine, il dirige la maison de négoce de Salis AG et siège au parlement cantonal pour l’UDC des Grisons. Et comme si cela ne suffisait pas, ce père de six enfants court le marathon etprati que le ski de fond en hiver. Cet entrepreneur innovant n’est pas du genre à baisser les bras face à l’adversité. En 2012, un incendie a causé plusieurs millions de francs de dégâts dans son chai. Le sinistre est clos depuis longtemps et le domaine Davaz trône désormais comme une« New World Winery» moderne au-dessus des doux coteaux serpentant entre Fläsch et Maienfeld.
Au zénith
L’«Il» est l’incarnation du Merlot tessinois. Produit uniquement les très bonnes années, il naît d’une sélection des meilleures barriques de Merlot issues de trois parcelles – à Ligornetto, Rovio et Pugerna – surplombant le lac de Lugano. Après une fermentation dans des cuves en inox, ce Merlot mûrit environ 24 mois dans des barriques en chêne français, et suisse. Aucun doute: on retrouve cette complexité à la dégustation. Gianfranco Chiesa met dans ce vin toute l’expérience qu’il a acquise après une trentaine d’années d’exercice en tant que maître de chai chez Vini Rovio. Vini Rovio a été fondée en 1986 par le commerçant zurichois en textile Ruedi Meier. Celui-ci, dont le rêve était jadis de créer un domaine en Australie ou en Argentine, a décidé d’investir dans un domaine viticole dans le petit village de Rovio, où sa famille avait des racines. Dès le lancement du projet, il a eu la chance de pouvoir intéresser le jeune œnologue Gianfranco Chiesa, qui travaillait à l’exploitation depuis 1991.Il a d’abord fallu défricher à la main la parcelle acquise par Ruedi Meier qui s’étend sur 3,8 hectares au-dessus du lac de Lugano avant de pouvoir y planter les ceps. En 1993, le domaine fait sensation sur la scène viticole suisse en confiant la construction d’un chai à l’architecte locale Luigia Carloni-Cairoli. Le bâtiment fonctionnel taillé à la serpe n’a rien perdu de son pouvoir de fascination 25 ans après sa sortie de terre. Et il se prête toujours aussi bien à l’élevage de grands crus. Bien que le Merlot di Rovio Riserva soit le vin le plus connu de la maison, le rare «Il» fait figure de carte de visite du domaine depuis plus de dix ans déjà.
Le surdoué
Avant même d’avoir commencé les vendanges, la famille Kuonen savait que 2016 serait une très bonne année pour le domaine. La longue liste de récompenses obtenues lors de concours nationaux et internationaux atteste du niveau actuel de la cave. Au Grand Prix du Vin Suisse 2016, par exemple, le Caveau de Salquenen est l’une des rares exploitations à s’être qualifiée dans les finales de deux catégories différentes. Sa Syrah Grand maître Barrique 2014 apparaît comme l’illustration parfaite du résultat que le cépage rhodanien est capable d’offrir en Valais. Le cru allie la fraîcheur et la légèreté d’un vin alpin à un fruité aux accents quasi méditerranéens. Les notes épicées conférées par la barrique sont parfaitement intégrées. Nous ne sommes donc pas étonnés de voir que ce cru soit parvenu à s’imposer au Grand Prix du Vin Suisse, ainsi que dans d’autres compétitions. Les origines du domaine remontent à 1913, lorsqu’Alfred Kuonen fonde la première cave communale à Salquenen. Son fi ls Gregor jette les bases de l’exploitation actuelle en 1979 en fondant la société Caveau de Salquenen. Les fils de Gregor, Charles et François, n’ont eu de cesse de l’améliorer au cours des dernières décennies. Depuis 2009, la quatrième génération a repris le flambeau sous les traits de la dynamique Larissa Kuonen. Au terme de ses études d’œnologie Changins, celle-ci, secondée par une équipe talentueuse, a pris les rênes de l’élevage des cinquante crus de l’exploitation familiale. Les vins élaborés aujourd’hui, notamment pour les assortiments haut de gamme Grand maître et Vieux Salquenen, font partie des classiques valaisans. Et bien que le Pinot Noir soit le cépage préféré de la jeune œnologue, cette dernière prouve avec ce millésime qu’elle maîtrise aussi à la perfection l’élevage des autres cépages phares du Valais.
Bordeaux & Rhône
Deux années seulement se sont écoulées depuis que Hanspeter Lampert et ses collègues du projet Pinot R(h)ein ont remporté le trophée du meilleur Pinot Noir au Grand Prix du Vin Suisse. Il grimpe à nouveau sur la plus haute marche du podium grâce à un vin, que l’on attribuerait plutôt au Valais ou au Tessin, mais certainement pas au canton des Grisons. Pourtant les spécialités de Lampert, comme le Syrah, le Cabernet Sauvignon et le Merlot, ont atteint une maturité parfaite en 2013, une bonne année malgré de faibles rendements. Cette cuvée novatrice est la preuve frappante que les cépages rhodaniens et bordelais permettent de produire des crus exceptionnels dans la Bunderherschaft, bastion traditionnel du Pinot Noir, où le raisin mûrit à plus de 500 mètres d’altitude. Le domaine Heidelberg, propriété de Hanspeter Lampert, le digne représentant de la troisième génération, compte environ 28 000 ceps répartis sur cinq hectares, qui, à Maienfeld, poussent sur un éboulis du Falknis. 60% des ceps ont plus de vingt ans et les plus vieux atteignent les 45 ans. Le modèle d’exploitation de Hanspeter Lampert se veut innovant. Bien que le domaine avec ses cinq hectares de vignes soit de taille moyenne pour la région, il emploie un maître de chai à temps complet, Silas Hörler. Celui-ci a la charge d’élever des vins dans le respect de la philosophie de l’entreprise. A l’heure actuelle, le patron se consacre entièrement à la vigne. Il a des projets ambitieux pour l’avenir: au cours des prochaines années, il souhaite convertir peu à peu l’exploitation à la viticulture biologique. Hanspeter Lamper fait figure de pionnier depuis longtemps à Maienfeld: en 1989 il a été le premier à faire l’acquisition de trois barriques pour l’élevage du Pinot. Aujourd’hui, dans son chai s’alignent plus de cinquante fûts de chêne.
Le trésor des collines
Nicolas Zufferey fait partie des producteurs incontournables du Valais. Son épopée a commencé en 1987, dans la commune de Chippis à côté de Sierre. Sept ans plus tard, l’entreprise déménage à Sierre, aux Bernunes, sur l’une de ces collines caillouteuses de la plaine du Rhône, cadeau d’adieux des glaciers en recul aux œnophiles valaisans. Deux décennies plus tard, l’espace de dégustation sis au cœur d’une mer de vignes accueille des événements réguliers. Soirées mets et vins ou concerts permettent aux visiteurs de goûter quelques-uns des vingt-trois vins élaborés par Nicolas Zufferey. Trois Chasselas, deux Muscat –dont l’un effervescent – et un vin de voile né d’un Savagnin Blanc élevé six ans en barri que cohabitent avec des spécialités valaisannes plus classiques et des assemblages raffinés. La Marsanne Blanche, ce cépage rhodanien qui donne naissance à des blancs puissants dévoilant souvent des notes d’eau-de-vie de framboise, est déclinée en une version classique, ample et structurée, ainsi qu’en un vin sur maturé. Récoltés début décembre, les grains flétris de cet Ermitage se sont transformés en un liquoreux complexe qui marie générosité et élégance. La sarabande de fruits confits et de notes de pâtisserie qui explosent au nez comme en bouche ont charmé les membres des deux jury du Grand Prix du Vin Suisse ce qui lui permet de coiffer au poteau quatre autres vins doux valaisans et un Gewürztraminer vaudois. Si trois années de garde lui ont permis d’obtenir une certaine patine, nul doute que cette Marsanne ne peut que se bonifier dans les années, et même les décennies, à venir.
Et de quatre!
En 1994, Reynald Parmelin est le premier vigneron du canton de Vaud à obtenir la certifi cation du label Bio Suisse. Celui-ci confirme que l’intégralité du domaine respecte un cahier des charges exigeant qui interdit, entre autres, l’usage des engrais chimiques et des produits de synthèse. Cette longue expérience de l’agriculture biologique explique sans doute la réussite de la cave au Grand Prix du Vin Suisse. En effet, sur les huit dernières éditions, l’entreprise de Begninsa remporté quatre fois le Prix Bio. En 2009, 2010 et 2011, elle s’est imposée avec son Johanniter, un cépage résistant aux maladies cryptogamiques issu d’un croisement entre le Pinot Gris, le Chasselas, le Riesling et le Seyve-Villard. En2016, ce trophée spécial récompense le Pinot Noir de Begnins, un rouge dense et expressif finaliste malheureux de la catégorie éponyme. Les lecteurs attentifs se rappelleront que l’an passé, un autre Parmelin, Yvan du Domaine de La Croix, avait remporté le trophée du meilleur vin biologique avec son assemblage Affinité rouge 2012. Les deux hommes sont frères et partagent le même engagement pour une viticulture qui soit à la fois, très respectueuse de l’environnement, et la plus qualitative possible. Afin de faire découvrir cette philosophie à un large public, Reynald Parmelin organise dans sa salle de réception – un cadre majestueux qui dispose d’une vue imprenable sur le lac Léman et le Mont-Blanc – de nombreux évènements ludiques et gastronomiques, toujours accompagnés des vins bio du domaine.