Un cépage du Rhône à redécouvrir
Guide Marsanne Blanche: des vins baroques de toute beauté
Texte: France Massy, Photos: Charles-Albert Lathion
La plupart des vignerons qui ont participé à cette dégustation affirment que la Marsanne Blanche est l’un de leurs cépages préférés. Pourtant, ils ont de plus en plus de peine à en vendre, au point que certains envisagent sérieusement d’arracher ces ceps pour replanter un cépage plus dans l’air du temps. C’est que la Marsanne, appelée Ermitage ou Hermitage en Valais, n’est pas d’un abord facile. C’est un vin de personnalité aux marqueurs identitaires forts, qui peut désarçonner plus d’un néophyte. On ne parle pas ici des arômes floraux et fruités (poire, abricot, framboise en tête), des notes gourmandes et pâtissières (très flatteuses), mais des accents séveux, résineux parfois, de cette amertume qui signe un vin racé, plus difficiles à apprivoiser. Originaire de la vallée du Rhône, ce cépage occupe aujourd’hui un peu plus de 42 hectares en Suisse, dont 41,9 en Valais, le reste se répartissant entre le canton de Vaud et Genève. L’analyse génétique de la Roussane (qui ne couvre que 4,37 hectares du vignoble helvétique) a révélé des liens de parenté avec la Marsanne, c’est pourquoi ces deux cépages ont souvent été confondus. Ils ont, de fait, été régulièrement complantés. On les trouve souvent assemblés lors de la vinification et les flacons de pure Roussanne sont encore rares. L’ensemble des vins dégustés laisse clairement apparaître que, plus qu’aucun autre, ce cépage mérite qu’on lui laisse le temps de vieillir pour exprimer son exubérante palette aromatique, sa générosité et sa puissance. Un peu de douceur rend la Marsanne plus accessible, d’autant que la sensation de sucrosité s’intègre bien après quelques années en bouteilles. Vinifié en liquoreux, ce cépage donne naissance à des vins envoûtants. On peut les apprécier jeunes, comme des fruits bien mûrs. Plus âgés, ils changent de registre pour devenir des vins de mémoire et de méditation.
Résultats, analyses, avis
«Redécouvrir le goût de la Marsanne, c’est sauver un patrimoine, un savoir-faire.»
France Massy journaliste spécialisée
Les terroirs du Valais conviennent bien à la Marsanne qui y puise minéralité, complexité et exubérance aromatique. Elle n’est pratiquement cultivée que dans ce canton où elle a été introduite vers 1845. Son style diffère de celui des Côtes du Rhône. La Marsanne Blanche, ou l’Ermitage comme on la nomme la plupart du temps en Valais, a le caractère des montagnards: un peu rustique parfois, intense, mais séduisante, dès qu’on sait l’apprivoiser. Dans l’ensemble, les vins présentés étaient de très bon niveau. Celui des liquoreux est tout simplement bluffant. On déplore d’autant plus le manque d’intérêt du public pour ce cépage. Bien sûr, les goûts des consommateurs évoluent. Les vins riches, opulents, avec du sucre résiduel laissent la place à des vins plus légers, plus fins et élégants. Je n’échappe à cette tendance. Moi aussi, je craque pour la fraîcheur et la vivacité. Je suis régulièrement impressionnée par les créations des jeunes talents de la vitiviniculture suisse. Lors de cette dégustation de Marsanne, nous avons découvert des vins complexes et amples, mais aussi des structures plus élancées, des vins qui vont développer de sacrés arômes si on les oublie quelques années en cave. Les boire trop jeunes, c’est rater une part de leur identité. Pour les laisser vieillir, encore faut-il en acheter. C’est là qu’interviennent les prescripteurs. Aux journalistes, blogeurs et interprofessions d’en parler, de les mettre en lumière pour donner envie de les consommer. Sans chauvinisme particulier, juste se délecter de cette variété envoûtante, qu’elle soit suisse, française ou du Nouveau-Monde. Redécouvrir le goût de la Marsanne, c’est sauver un patrimoine, un savoir-faire. Alors, engagez-vous à notre suite pour ce cépage du Rhône.
La dégustation
Tous les producteurs de Suisse romande ont été invités à présenter un vin blanc sec et un vin liquoreux à base de Marsanne Blanche pure et/ou de Roussanne (ou d’un assemblage des deux). Le millésime n’était pas précisé, mais les vins présentés devaient être disponibles à la vente lors de la parution de la dégustation.