Le charme méridional

Languedoc AOP: La Clape, Minervois, Pic-Saint-Loup et consorts

Dégustation: Thomas Vaterlaus, Miguel Zamorano; Texte: Thomas Vaterlaus, Photos: VINUM

Bien plus qu’une simple région viticole, le Languedoc est un univers à lui tout seul. On joue au rugby dans tous les villages. De jeunes artistes transforment des ballades traditionnelles en morceaux de hip-hop ou de hard rock chantés en occitan. Cette langue régionale connaît une forte renaissance entre Nîmes et la frontière espagnole, près de Banyuls. Quant aux chefs cuisiniers, ils réinterprètent des classiques, comme le bon vieux cassoulet, en version végétarienne. Le monde viticole du Languedoc nous a néanmoins semblé scindé en deux. La vaste majorité de l’océan de vignes de plus de 200 000 hectares est dédiée aux vins IGP, commercialisés sous le nom de Pays d’Oc (anciennement Vin de Pays d’Oc). Il s’agit souvent de crus méridionaux amples, affichant un style international et issus de cépages tels que le Viognier, le Chardonnay, la Syrah ou le Merlot. Toutefois, pour découvrir le vrai Languedoc, il faut se tourner vers les vins AOP ou AOC. Ils représentent la diversité des vignobles, qui s’étendent de La Clape, où la vigne prend racine dans de la marne à quelques kilomètres de la plage de Narbonne, jusqu’à l’arrière-pays vallonné et sauvage sur les contreforts des Cévennes. Dans les appellations Minervois, Saint-Chinian ou Faugères, par exemple, les vignobles s’étendent jusqu’à 600 mètres d’altitude au milieu d’un paysage de garrigue varié. D’anciens cépages blancs, comme le Bourboulenc, le Grenache Blanc, le Piquepoul, la Roussanne, mais aussi la Syrah, le Mourvèdre, le Grenache et le Carignan donnent des vins au caractère affirmé, qui allient tempérament du midi et élégance vivifiante. Si ces vins ne manquent pas de fraîcheur en dépit de leurs origines méridionales, c’est grâce à l’altitude des parcelles de l’arrière-pays, mais aussi aux vents thermiques, tels que la tramontane, qui rafraîchissent l’atmosphère.

Résultats, analyses, avis

«Les meilleurs crus du Languedoc allient un tempérament méridional et une élégance empreinte de fraîcheur.»

Thomas Vaterlaus Rédacteur en chef de VINUM

Je dois avouer que j’avais un peu perdu les crus du Languedoc de vue. Et je pense ne pas être le seul. Tandis que la Provence attire tous les regards des consommateurs grâce au boom du rosé, le Languedoc classique est tombé dans l’oubli malgré son important capital sympathie. Corbières, Minervois ou Saint-Chinian étaient jadis connus de tous les amateurs et étaient en bonne place sur les cartes des vins locales. Désormais, ces vins ont laissé la place à des appellations d’autres régions plus cotées qui leur ont volé la vedette.

Il est grand temps de redécouvrir le Languedoc. C’est d’ailleurs ma résolutions suite à cette dégustation. Le niveau de qualité s’est révélé tout à fait saisissant. La moitié des vins dégustés ont obtenu 17 points et plus: une belle réussite aussi bien pour les vignerons qui les ont élevés que pour les cavistes qui les ont sélectionnés. Dans les meilleurs cas, les crus incarnent le tempérament méridional, voire une certaine impétuosité, associée à une élégance empreinte de fraîcheur. Les vignerons sont vraiment passés maîtres dans l’art de réunir ces extrêmes, ce qui confère une tension fascinante aux vins. Cette alliance magique incite aussi à la rêverie. Le parfum de thym, de romarin et de genêt nous transporte dans la garrigue pour une balade. Et dès la première gorgée, on voudrait se trouver dans une brasserie dans l’arrière-pays sauvage au moment où le patron apporte un délicieux cassoulet accompagné de dodues saucisses de Toulouse, tandis que l’occitan, une langue à la fois rude et chaleureuse, résonne aux tables des alentours.

«La densité et la puissance de ces vins généreux évoquent souvent le Priorat. Mais le Languedoc est à l’heure actuelle un peu moins cher.»

Miguel Zamorano journaliste de VINUM

Ce qui devait d’abord être un cours rapide de géographie pour connaître les villages méditerranéens du midi s’est transformé en une visite guidée d’un paysage (culturel), qui recèle encore de nombreux trésors. À l’image de Saint-Chinian, entouré de collines méditerranéennes, qui se trouve à tout juste 115 km au sud-ouest de Montpellier. Les vignerons y élèvent du Grenache, de la Syrah et du Carignan. De même, La Livinière, première AOP (1999), située un peu plus loin au sud avec la Montagne Noire dans le dos, produit des vins formidables à partir des mêmes cépages. Cinq des neuf meilleurs vins de cette dégustation proviennent des AOP La Livinière et Minervois. Dans la catégorie des 18 points et plus se trouvent des vins si proches les uns des autres, qu’il a fallu faire appel à de très légères nuances et à nos préférences personnelles pour les départager. En plus de leur élégance rafraîchissante déjà mentionnée, Minervois, La Clape et Faugères intègrent l’alcool avec une facilité impressionnante. En effet, la quasi-totalité des vins rouges dépasse la barre des 14°. Même le Limoux, un vin effervescent encore sous-estimé, constitue une véritable alternative à des crémants bien plus réputés grâce à sa structure et à sa sapidité. Bien sûr, nous aurions souhaité que tous les rosés et les blancs que nous avons dégustés affichent autant d’originalité qu’un Faugères. On serait même tenté de dire, à l’instar d’un site de commerce en ligne: les clients qui ont acheté ces vins ont aussi acheté du Montsant et du Priorat. Si les styles de ces régions présentent des similarités, les vins du Languedoc restent à l’heure actuelle moins chers que leurs homologues espagnols.

La dégustation

Les vins destinés à ce guide ont été mis à notre disposition par des commerces spécialisés suisses et allemands. La dégustation a eu lieu en décembre 2021 dans les bureaux de VINUM à Zurich. Les vins ont été dégustés à l’aveugle et à température optimale par Miguel Zamorano et Thomas Vaterlaus.

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