Blancs de Sicilie: l’élégance des cépages autochtones

Vaste de 26 000 kilomètres carrés, la Sicile est la plus grande île de Méditerranée, la province italienne la plus étendue et l’une des principales régions viticoles. La diversité de ses paysages donne vie à une multitude de microclimats: douceur méditerranéenne le long des côtes ou climat continental (surtout en altitude) à l’intérieur des terres (comme sur l’Etna, le volcan haut de 3400 mètres à l’est). Les sols se révèlent tout aussi variés: tantôt sablonneux près des côtes, tantôt argilocalcaires, tantôt riches en basalte volcanique. Sur le plan œnologique, la Sicile forme une région qui s’étend de l’île de Pantelleria, qui est plus proche de l’Afrique que de la Sicile, jusqu’à la DOC Faro sur le détroit de Messine. Dans cette vaste région, on trouve pléthore de particularités en termes de cépages ou de types de vin: que ce soit sur l’Etna, sur les îles Lipari (un refuge du cépage Malvasia) ou sur l’île de Pantelleria déjà évoquée plus haut, que l’on considère comme la terre natale du Zibibbo (une variété de Muscat, élevée en grande partie en passito).

Rares sont les régions viticoles italiennes à avoir, ces dernières années, autant changé d’image que la Sicile. Jadis connue pour son Marsala ou ses vins d’entrée de gamme, elle a connu un formidable essor de la production de qualité dans les années 1980. Outre les cépages internationaux déjà implantés, des variétés locales prometteuses, telles que le Nero d’Avola ou le Nerello Mascalese pour les rouges ainsi que le Catarratto, l’Inzolia, le Grillo ou le Carricante sur l’Etna, sont venues gonfler les rangs des cépages capables de transcender le terroir sicilien. Et c’est précisément aux vins issus de ces cépages blancs que cette dégustation est consacrée: très originaux, ils affichent souvent une élégance saisissante, ainsi qu’un excellent rapport qualité-prix.

«Cette île est un véritables paradis du vin blanc, resplandissant d’une infinie variété de cépages et de terroirs.»

Christian Eder auteur pour VINUM

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, les vins blancs siciliens issus de cépages autochtones ne se distinguent pas par leur fruité ou leur fraîcheur: ces dernières années, la plus grande île méditerranéenne est devenue un véritable paradis du vin blanc, resplendissant d’une infinie variété de cépages et de terroirs. Le Carricante est sans nul doute le maître incontesté de l’Etna et donne des vins de garde élégants et acidulés. Les versants est et sud du volcan en particulier délivrent des interprétations intéressantes. Trois cépages se partagent le reste de l’île: le Grillo, créé à la fin du 19e siècle par le Baron Mendola à partir de Moscato di Alessandria et de Catarratto, ne cesse de gagner en qualité et donne naissance à des vins complexes très marqués par leur origine. Polyvalent, le Catarratto apparaît très élégant et plein de caractère s’il reçoit les soins nécessaires. L’Inzolia, au contraire, offre des vins frais et fruités, mais aussi une excellente base d’assemblage avec des variétés locales ou internationales. Des vignerons avides d’expérimentation cultivent ces cépages en partie dans des zones qui ont sombré dans l’oubli malgré leur longue histoire viticole. Il y a quelques années encore, personne n’aurait d’ailleurs imaginé pouvoir produire de grands vins à ces endroits. Et c’est grâce à ces producteurs que la Sicile propose aujourd’hui des vins blancs élégants et raffinés, d’une fraîcheur que l’on n’attendrait pas d’une région aussi ensoleillée au cœur de la Méditerranée. Bien qu’ils soient consommés dans leur jeunesse la plupart du temps, ces vins bénéficient souvent d’un potentiel de garde surprenant qu’ils seraient dommage de sous-estimer.

En janvier 2021, Christian Eder a dégusté des vins blancs issus de cépages autochtones siciliens (aussi associés à des variétés internationales) à la rédaction. La majorité des vins ont été présentés par des membres du groupement de vignerons Assovini, qui figure parmi les acteurs majeurs de la région italienne.