Interview | SWISS WINE LIST AWARD

Mikaël Grou, chef sommelier de l’Hôtel Beau-Rivage, Genève

Texte: Anick Goumaz

Sa carte des vins au restaurant le Chat-Botté, à l’Hôtel Beau-Rivage de Genève, s’est hissée dans le top 5 de la catégorie étoilée des Swiss Wine List Awards. Il s’agit du meilleur résultat de Suisse romande. L’année 2024 semble sourire à Mikaël Grou, puisqu’il a été sélectionné le 12 juin pour représenter la Suisse au concours du Meilleur sommelier d’Europe et d’Afrique.

Que représentent les Swiss Wine List Awards pour vous?

Nous y avons participé pour la première fois en 2023. Avant cela, nous ne diffusions pas notre carte de vins. Nous la gardions secrète. Maintenant, on la publie sur notre site internet. Cette mise en avant par le concours et cette communication nous apporte une clientèle locale et suisse alémanique.

Est-ce que certains critères du concours influencent votre manière d’élaborer votre carte?

Après avoir appris que les concours des plus belles cartes prenaient en compte l’intégration d’autres boissons «hors vins», j’ai fait les démarches pour y ajouter des spiritueux. Nous travaillons aussi sur notre offre sans alcool. Les vins sans alcool sont dans l’air du temps, avant on nous en parlait, maintenant on nous en demande.

Que conseilleriez-vous aux restaurateurs qui hésitent à participer?

Qu’il pense à la visibilité que cela peut lui apporter. Je connais énormément de clients qui se déplacent en fonction de la réputation de la carte des vins. Grâce aux différentes catégories, même un petit établissement avec une sélection restreinte peut participer, pour autant qu'elle soit variée, avec une touche locale.

Vous représenterez la Suisse au concours de Meilleur Sommelier d’Europe et d’Afrique, comment se sont passées les sélections?

Il y a toujours beaucoup d’appréhension et de stress. On sait avec certitude qu’on n’aura pas toutes les réponses. J’ai trouvé le questionnaire particulièrement relevé par rapport à d’autres sélections. Quant à la dégustation, elle comprend toujours une part d’inconnu, on a des jours avec et des jours sans. À ce moment-là, je me situais un peu entre les deux.

Quand et où aura lieu le concours?

À Belgrade, du 1er au 15 novembre. Pour m’y préparer, je suis un Boot Camp pendant trois jours, à Séville, avec d’autres candidats de toute l’Europe et l’Afrique.

Est-ce que vous entraînez une épreuve en particulier?

Je connais les domaines où je pèche et sur lesquels je dois insister. Mais c’est ma première participation, alors ma préparation reste généraliste. J’en parle beaucoup avec des sommeliers qui ont déjà participé. J'y consacre tout mon temps libre, j’écoute des podcasts sur le vin dans le tram, en marchant…

Vous avez atteint la finale du concours du Meilleur sommelier de France. Tentez-vous votre chance à nouveau?

Je ne me suis pas inscrit aux sélections. Elles ont eu lieu durant Wine Paris. Mes objectifs cette année sont plutôt les compétitions européenne et suisse. Les préparations varient, premièrement parce qu’il faut intégrer plus de vins, bien évidemment. Je préfère aussi les épreuves en anglais. Le français est plus poétique, mais l’anglais, plus pratique.

Qu’est-ce que ces concours vous apportent professionnellement et humainement?

Les révisions m’apportent beaucoup. «Knowledge is power». Pour mieux conseiller un client australien, par exemple, je lui demande ce qu’il aime boire chez lui. À l’inverse, le terrain m’aide aussi énormément pour les concours. Ce qui peut ressembler à un piège relève d’une situation banale avec certains hôtes. Humainement, les concours m’apportent plus d'humilité et un autre regard sur moi-même. En finale, on nous demande beaucoup de «savoir être».

Que conseillez-vous aux sommeliers qui hésitent à s’inscrire?

C’est une expérience à vivre, qui donne un but d’apprendre. Comme disait mon chef sommelier à Paris, «il faut surtout connaître les vins qu’on n’a pas». Alors que la cave contenait entre 2000 et 3000 références...

Parlons justement des rencontres marquantes dans votre carrière…

Un choix difficile… Mais je pense bien sûr à mon enseignant, Christian Stévanin, qui a cru en moi. Nous avions tous les deux de l’intérêt pour les vins nature. En 2007, à Paris, seulement trois ou quatre établissements s’y consacraient, dont le Verre Volé. Il m’a dit «Non, vous irez au Georges V.» J’y ai rencontré Vincent Debergé, qui m’a préparé au concours de Meilleur sommelier de France.

Et des anecdotes, il doit y en avoir beaucoup?

Oui, j’en ai une récente avec un client qui m’a montré sur son téléphone une photo du Pur Sang de Dagueneau en déclarant «je veux ça.» À ce moment-là, je n’en avais plus en cave, alors je lui ai fait déguster, à l’aveugle, une cuvée des Quatre Piliers de Valentin Desloges. Il a adoré et m’a confié qu’en ne sachant pas ce que c’était, il a juste goûté du vin. Ça m’a ramené à ce que disait Christian Stévanin, «in vitro veritas» et non pas «in vino veritas». Au final, seul compte ce qu'il se passe dans le verre.

De la place pour une vie de famille et des loisirs avec tout ça?

Absolument! Nous avons un enfant de 2,5 ans alors le dimanche est réservé à la famille. Même si nous restons fortement dans le sujet, ma compagne étant aussi sommelière, active dans l’import-export.