Interview avec Reynald Parmelin
Cépages: Résistants ou Traditionnels?
Photo: Siffert / weinweltfoto.ch
Quand avez-vous commencé à vous intéresser aux cépages résistants aux maladies de la vigne?
En 1995, lorsque j’ai planté du Johanniter, mon idée était de disposer d’un cépage qui n’a besoin que de très peu de traitements phytosanitaires. À l’époque déjà, on savait que le «point faible» de l’agriculture biologique résidait dans les traitements viticoles. Je suis allé en Allemagne pour déguster ces cépages qu’on appelle «PIWI» et me renseigner sur leurs besoins en termes de sol, de conduite de vigne et de vinification. Ce qui m’a ensuite permis de sélectionner un cépage, le Johanniter, et une parcelle adéquate.
Pourquoi avoir privilégié le Johanniter?
À l’époque, j’ai planté plusieurs PIWI, mais tous les essais n’étaient pas concluants. Certaines variétés, comme le Regent – que j’avais appris à connaître lors de mes expériences en Suisse alémanique -, donnaient des vins peu intéressants sur le plan gustatif et voyaient leur résistance s’émousser. D’autres se révélaient difficiles à commercialiser. Si les oenophiles étaient intéressés à déguster ces variétés totalement inconnues dans notre région, monsieur et madame Tout-le-Monde s’en méfiaient beaucoup. Le Johanniter, qui n’a d’ailleurs pas de problème de résistance, a gagné des prix dans différents concours. Du coup, la presse en a parlé et le grand public a commencé à s’y intéresser. Aujourd’hui, c’est un cépage «installé», mais il a tout de même fallu dix à quinze ans pour arriver à ce résultat.
Comment a évolué votre vision des PIWI?
Aujourd’hui, je me tiens au courant, notamment en faisant beaucoup de dégustations, mais je suis plutôt dans une phase d’attente. Il y a beaucoup de PIWI sur le marché, mais la plupart n’ont qu’un gène résistant et risquent, comme le Regent, de voir leur protection naturelle contre les maladies cryptogamiques disparaître peu à peu. Au domaine, nous nous concentrons donc sur les PIWI de nouvelle génération – créés à Changins, en Allemagne ou en France – qui devraient faire preuve d’une résistance plus durable. En outre, nous avons près d’une vingtaine de cépages plantés sur une vingtaine d’hectares, ce qui veut dire qu’il faut trouver une variété vraiment différente sur le plan oenologique et gustatif pour qu’une nouvelle plantation se justifie.
Et que pensez-vous du Divico?
Nous en avons planté un demi-hectare il y a quatre ans. Toutefois, le domaine accueille déjà passablement de Gamaret dont il est très proche, sur le plan gustatif. En outre, il y a une crainte sur sa tendance au dépérissement (un problème qui touche fortement le Gamaret, dont le Divico descend).
Et comment les consommateurs réagissent-ils aujourd’hui aux cépages résistants?
Il y a une demande croissante du public pour des vins cultivés avec zéro traitement. Le problème est que, comme pour les vins natures, le consommateur attentif à ces aspects est un «petit buveur». À l’inverse, l’amateur traditionnel qui boit régulièrement un verre, se montre très moyennement intéressé par ces cépages qu’il connaît moins, et qu’il apprécie moins, que le Chasselas ou le Pinot Noir.
Les scientifiques n’ont donc pas encore trouvé le PIWI parfait?
Je pense que l’on s’en approche. Les derniers essais dégustés cette année montraient un potentiel vraiment intéressant.
Vous travaillez en agriculture biologique avec des cépages traditionnels depuis 25 ans. Qu’est-ce qui a changé depuis un quart de siècle?
Nous avons à disposition quelques nouveaux insecticides, mais le catalogue des produits de traitements biologique n’a pas énormément varié, malgré les nombreuses recherches existantes. Toutefois, il existe aujourd’hui de nombreuses substances qui ont pour effet de renforcer la plante. L’objectif consiste à les utiliser en début de saison afin de pousser la plante à développer des résistances naturelles. Autre évolution, les vignerons biologiques ont désormais à disposition un grand choix de machines qui permettent de mécaniser le travail du sol. Enfin, à la cave, le cahier des charges de Bio Suisse est resté sensiblement le même. Par contre, lorsqu’on le conjugue avec celui de Demeter, les restrictions deviennent drastiques et nous laissent peu de marge de manoeuvre. Ce n’est pas un problème lorsque tout va bien, mais cela demande de l’inventivité lorsque la vendange n’est pas parfaitement saine.